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Le mécénat, signe d'une perte d'influence de la démocratie représentative ?
L’afflux de dons en faveur de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame a suscité nombre de commentaires dans le presse belge autant qu’étrangère.
Antoine Vandenbulcke, assistant à l'Unité de droit économique et théorie du droit de l'ULiège, constate au travers d'une contgribution externe publiée dans La Libre Belgique (25/4/2019) que certains dénoncent l’opportunisme des mécènes "intéressés", tandis que d’autres déplorent l’absence de considérations pour "les misérables".
Il rappelle que l’État français s'est depuis longtemps attribué un rôle prépondérant dans la définition de l’intérêt commun et dans sa prise en charge.
La philanthropie a donc toujours été moins valorisée en France que ce n’est le cas dans nombre de pays anglo-saxons .
Antoine Vandenbulcke rappelle toutefois que la France a mis en place dès 2003 un dispositif particulièrement généreux d'encouragement fiscal du mécénat à vocation culturelle.
La loi Argaillon offre en effet une réduction d’impôt de 66 % du montant du don pour les particuliers (réduction pouvant aller jusqu’à 75 % lorsque le contribuable est assujetti à l’impôt sur la fortune immobilière) et de 60 % pour les entreprises.
Lorsqu’un mécène réalise un don, cette largesse est donc en partie supportée par la collectivité.
Dès lors que choix de la cause bénéficiaire est déterminé par le mécène, Antoine Vandenbulcke y voit une perte d’influence de la démocratie représentative, au bénéfice d’une ploutocratie de personnes aisées qui oriente le financement de projets d’intérêt général en fonction de leurs préférences.
Or on sait par exemple que beaucoup font preuve d’un désintérêt relatif vis-à-vis des problèmes sociaux (comme la pauvreté).
Générosité ostentatoire
L’engouement de quelques grands donateurs en faveur de la rénovation de Notre-Dame a suscité nombre d'autres commentaires dans les médias.
Pour Yaelle Afériat, directrice de l’Association Française des Fundraisers : ‘Maybe the real lesson here is that, in our era of live information and social networks, anything can become an emergency, raising crazy amounts of money in a few hours’.
Elle reconnait que la hiérarchie des causes que les donateurs les plus aisés sont en mesure d'imposer, pose question.
Elle s'étonne également de la mise en scène ostentatoire de la générosité, qui n’était précédemment guère de mise dans les pays de tradition culturelle catholique, telle la France. (3)
Sources
(1) La Libre Belgique (25/04/2019) – ‘Notre-Dame de Paris: le mécénat, un accusé trop facile’ (contribution externe d'Antoine Vandenbulcke)
(2) La Libre Belgique (18/04/2019) – ‘Notre-Dame - polémique autour des dons des entreprises’
(3) EFA (European Fundraisers Association) – ‘Interview: What does Notre Dame tell us about French philanthropy ? (15/5/2019)
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Mécénat des grandes entreprises: témoignage de CBC Banque
21/04/2019 - Les relations entre associations et grandes entreprises ont fort évolué au cours des dernières années.
Il est à présent moins souvent question de philanthropie ou de mécénat financier, et davantage d'entreprises partenaires.
Le contexte de cette évolution fit l’objet d’un exposé par Laurent Remacle (Directeur commercial Public, non-marchand et institutionnels à la CBC), lors du dernier workshop du Fundraisers Forum (14/2/2019).
La mesure du profit financier est désormais insuffisante
Laurent Remacle constate que les crises successives et les changements sociétaux bouleversent le schéma économique des grandes entreprises, forçant ces dernières à prendre davantage en compte leur responsabilité sociétale.
On assiste ainsi à un réel changement de paradigme au niveau des capitaux disponibles en matière de mécénat.
S'il est vrai que la plupart des grandes entreprises consacrent encore un budget annuel à diverses formes de mécénat purement financier, nombre d'entre elles perçoivent désormais cette forme de générosité comme une forme quelque peu archaïque de philanthropie caritative.
Les entreprises ont pris conscience que la mesure du profit financier est insuffisante.
Elles pourraient difficilement se permettre de ne prendre aucun engagement en matière de responsabilité sociétale (R.S.E.), ou de ne pas se mobiliser concrètement sur divers projets relevant de l'intérêt général.
Ces tendances de fond modifient inévitablement les relations entre les entreprises et le secteur associatif, ainsi que les attentes réciproques.
Offrir des opportunités d'engagement solidaire au personnel
Les entreprises sont conscientes de ce que leurs collaborateurs souhaitent s'identifier à un employeur dont l'engagement en termes de responsabilité sociétale est visible, et permet si possible aux membres du personnel qui le souhaitent de s'y associer directement.
D'où par exemple le succès croissant d'initiatives qui associent le personnel de l'entreprise à une opération de collecte ou à une offre de mécénat de compétences:
Votre association démontre-t-elle l’efficacité des ressources utilisées ?
Laurent Remacle se plait à rappeler que l’entreprise appartient à un monde où on parle de professionnalisme, de talent et d’efficacité.
On ne s’y mobilise pas volontiers en faveur de causes dont le message fait surtout appel à des sentiments de charité ou de compassion.
Car la nouvelle génération de cadres d'entreprises s'inscrit volontiers dans la démarche d'altruisme efficace popularisée par le philosophe Peter Singer: "Les altruistes efficaces donnent à des organisations caritatives qui, au lieu de jouer sur l'affect des donateurs potentiels, s'attachent à prouver qu'elles utiliseront les dons pour sauver des vies et réduire la souffrance avec un excellent rapport coût-efficacité".
Le soutien de l'entreprise doit être perçu comme de l’impact investing, c’est-à-dire une contribution dont l'association sera en mesure de démontrer les effets tangibles.
Il y a donc pour cette dernière une obligation de feedback concernant l'impact effectif atteint grâce au soutien de l'entreprise partenaire.
Montrer patte blanche sur le risque de réputation
Laurent Remacle rappelle que les banques sont avant tout perçues par leurs clients comme des fournisseurs de confiance.
Elles sont dès lors, davantage que dans d'autres secteurs, tenues de veiller scrupuleusement à la sauvegarde de leur réputation.
Une collaboration qui associerait durablement une organisation caritative et une entreprise oblige cette dernière à s’assurer au préalable que le partenariat envisagé ne risque pas de nuire à sa réputation.
Toute organisation en quête de soutien auprès d'une entreprise partenaire se doit donc de montrer patte blanche sur le risque de réputation.
Ainsi la collaboration entre la banque CBC et Cap 48, qui s’est intensifiée depuis un an dans le cadre de la plateforme de crowdfunding LabCap48, avait-elle été précédée par un processus de contrôle qui s’est déroulé sur plusieurs mois.
La nécessité de gérer efficacement tout du risque de réputation, qu'évoquait Laurent Remacle lors du précédent du Fundraisers Forum, s'est trouvée confirmée par deux fois dans l'actualité des mois suivants.
Ainsi Unicef Belgique, qui bénéficie du soutien de nombreux sponsors, a choisi de communiquer immédiatement, dès 13/05/2019, la rupture de la collaboration contractuelle avec un nouveau directeur général ad interim qui était entré en fonction une semaine plus tôt, et s'était trouvé confronté aux accusations graves reproduites par certains médias concernant son hypothétique implication antérieure dans une affaire d'adoptions frauduleuses.
La présomption d'innocence dont devait bénéficier la personne concernée n'a à l'évidence pas pu justifier son maintien, tenant compte du risque de perte de confiance par les donateurs d'Unicef, tant particuliers qu'entreprises.
D'autant que certains médias, tel De Morgen ou RTL-TVi, avaient curieusement choisi de traiter cette information en première page de leur journal, bien que nul indice concret d'éventuelle culpabilité puisse être avancé à ce jour.
Dans le second exemple récent, ce sont à l'inverse les activités commerciales de l'entreprise mécène qui suscitent une controverse susceptible d'entamer l'image de marque de l'organisation bénéficiaire.
Ainsi le quotidien Le Soir s'est-il récemment inquiété de découvrir que l'Opéra Royal de Wallonie ait accepté de se faire sponsoriser par le cigarettier JTI (Japan Tobacco International).
Et réponse à ces critiques, la direction de l'Opéra a fait observer que la convention de sponsoring établie par l'intermédiaire de l'asbl Promethea ne représentait que 0,0006 % des rentrées totales de l’institution.
Et de préciser qu'aucune des marques de cigarettes commercialisées par JTI ne bénéficie de la moindre publicité dans l'enceinte de l'Opéra, en sorte qu'il ne peut être question de publicité illégale.
Sources:
- CBC Banque - Laurent Remacle (Directeur commercial Public, non-marchand et institutionnels):
'L'évolution des partenartiats avec le secteur non-marchand' (workshop Fundraisers Forum du 14/2/2019)
- UNICEF - Communiqué du 13/05/2019: 'Fin de la relation contractuelle avec le directeur général ad interim'
- Le Soir (05/05/2019) - 'L'Opéra de Liège illégalement financé par l'argent du tabac'.
- Le Soir (07/05/2019) - 'L’Opéra wallon « en toute transparence »'
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