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Urgence 'Famines': campagne du Consortium 12-12, et d'autres associations

Le présent article a été publié initialement le 19 avril 2017, suite à la campagne de prospection de l'asbl SOS World.
Monsieur Thomas Schirrmacher, fondateur de cette association, nous a apporté le 28 avril dernier - soit quatre mois après nos demandes répétées d'information - divers éléments de réponse qui ont été intégrées dans la version remaniée de cet article.

4 mai 2017 – L’imminence de situations de famine qui menacent plusieurs pays d’Afrique ont conduit les plateformes nationales d’ONG de plusieurs pays européens à organiser une campagne nationale de sensibilisation de collecte de fonds.
La campagne belge du Consortium 12-12 pour les Appels d'Urgence est intitulée 'FAMINE 12-12'.

-> Lire 'Famine 12-12 et autres campagnes nationales d’appel à la générosité'

Des campagnes nationales similaires ont été lancées dans divers pays d'Europe, et ailleurs dans le monde, aux alentours du 14 mars dernier.
Toutes n'ont guère engrangé des résultats spectaculaires en termes de mobilisation de dons.
La campagne belge du Consortium 12-12 a collecté à ce jour huit millions d'euros.
 
D'autres appels à la générosité ont été diffusés en Belgique à l'initiative de plusieurs ONG que les donateurs belges connaissent et apprécient depuis bien longtemps.
Un appel aux dons pour les victimes de la famine au Soudan du Sud a été diffusé à la même période à l'initiative de l'asbl SOS World, une structure très peu connue jusqu'il y a peu.

 

Urgences: presque toutes les ONG, petites ou grandes, méritent notre confiance

Les grandes ONG belges dont on connait l'engagement fréquent dans des contextes d’aide humanitaire en urgence ne sont que rarement mises en cause pour la qualité de leur travail ou un éventuel manque de transparence financière.
Concernant les plus petites associations, le CNCD-11.11.11 et son équivalent néerlandophone Koepel van de Noord-Zuid Beweging ont maintes fois rappelé que leur taille plus modeste ne les empêche pas d’intervenir efficacement en situation d'urgence, surtout si elles sont déjà actives dans la région frappée par une catastrophe humanitaire.

Votre don à SOS World sera-t-il utilisé de manière optimale ?

Conseillerait-on pour autant à nos concitoyens de répondre à l’appel à la générosité de la jeune asbl SOS World, intitulé 'La faim frappe le Soudan du Sud' ?
Cet appel a été diffusé en mars dernier par encartage dans 'La Libre Belgique' et un quotidien néerlandophone, puis dans l'heddomadaire 'Dimanche'.

Au crédit de l’asbl SOS World, on notera volontiers que

  • l’association a été fondée par un théologien allemand réputé, dont il serait malvenu de mettre en doute l’engagement désintéressé;
  • le site de SOS World rappelle que l’organisation est active depuis déjà cinq ans au Soudan du Sud, où l’association aurait fait parvenir de nombreux avions chargés de colis humanitaires.

Mais le donateur qui, tel l’auteur de ces lignes, s’efforce d’obtenir davantage d’informations sur l’asbl SOS World, ne manquera pas de se sentir dubitatif au vu des constats suivants:

  • La ligne téléphonique de l'asbl aboutit à un répondeur qui ne donne guère suite aux messages.
    Nos demandes d'information, notamment par email, n'ont donné lieu à une réponse que le 28 avril dernier, soit quatre mois plus tard.
  • Le site de l'asbl SOS World ne publie ni Rapport d'Activités ni Rapport financier.
  • Le Moniteur belge indique que l'asbl a été fondée en décembre 2014 et que son Conseil d'Administration se compose de trois membres d'une même famille qui résident tous en Allemagne.
    SOS World annonce être actif depuis cinq ans au Soudan du Sud alors que l'asbl n'existait pas il y a trois ans.  Cette contradiction ne serait qu'apparente si l'asbl belge reconnaissait clairement être adossée à un autre opérateur associatif qui opère depuis plus longtemps en Afrique. 
    Ce n'est que dans le courrier tardif que le fondateur de l'asbl SOS World nous a transmis qu'il apparait que l'association belge ne dispose pas d'équipes en Afrique: elle transfère en réalité ses recettes à une organisation allemande dénommée Gebende Hände, qui est également dirigée par le fondateur de la structure belge.
    Cet arrangement, qui n'est en soi pas répréhensible, n'est guère signalé sur le site de l'association ou dans ses mailings.
  • La DZI (Deutschen Zentralinstitut für soziale Fragen), autorité allemande régulatrice en matière de collecte de fonds, ne liste pas l'association Gebende Hände parmi les membres de cette plateforme.
    L'association Gebende Hände a par contre été clairement critiquée dans le passé, en Allemagne, pour l'usage de messages à tonalité misérabiliste.
    C'est du moins ce qui ressort d'un interview accordé le 3 décembre 2013 par Burkhard Wilke, directeur de la DZI, à l'agence de presse de sensibilité évangélique Idea Pressedienst: 'Der Spenden-TÜV: Wem kann man vertrauen?' (article consultable en ligne).
    Gebende Hände est également cité par le site allemand Charity Watch, ainsi que dans le livre 'Die Spendenmafia' ('La mafia des dons') de Stefan Loipfinger, un ouvrage polémique paru en 2011 dont nous ne connaissons pas le degré de crédibilité.
    Le site de Gebende Hände comprend une description détaillée de différents labels dédiés à l'éthique de la collecte ('spendensiegel'). Il est précisé que l'association n'y souscrit pas du fait de leur coût.  
  • Précisons que SOS World, qui ne bénéficie pas de la reconnaissance en matière d'attestations fiscales, n'est pas membre de l'AERF.
    L'association ne publie pas ses comptes sur la plateforme Donorinfo et n'est pas membre du CNCD-11.11.11 ou de la 'Koepel van de Noord-Zuid Beweging'.
  • Concernant le bilan financier de l'asbl, les informations qui nous ont été transmises le 28 avril par le fondateur de SOS World ne sont guère rassurantes.
    Monsieur Schirrmacher fait état d'une croissance très rapide de cette asbl, qui comptait déjà 14.000 nouveaux donateurs fin 2016, soit durant la deuxième année de prospection par l'intermédiaire de l'agence commerciale DSC.
    Les comptes 2016 font apparaître une recette de 100.340 €, dont un solde de 31.220 € qui pourra être affecté aux projet humanitaire de l'association.

    La jeune asbl SOS World enregistre donc 68% de frais administratifs et de collecte de fonds durant sa deuxième année d'activités.
    Or on sait qu'une association active en levée de fonds se doit d'affecter, sur une période de trois ans, au minimum les deux tiers des recettes issues de la générosité publique à son objet social.
    On est en droit de se demander, au vu des résultats financiers de la deuxième année, comment SOS World pourrait présenter fin 2017 un ratio de frais de collecte de fonds de maximum 30% sur ses trois premières années de fonctionnement.

Direct Social Communication, spécialiste du lancement clé-sur-porte de nouveaux acteurs de la collecte

A l'évidence, de même que dans le cas du lancement récent sur le marché belge de l'asbl Noma, voici à nouveau une asbl de droit belge qui établit son siège social à l'adresse de l'agence commerciale Direct Social Communications (DSC), alors que tous les membres du C.A. résident en Allemagne.
L'agence commerciale DSC gère dans les deux cas, en full-service, l’intégralité des opérations de collecte de fonds.
-> Lire 'Privatisation des campagnes de collecte de fond : danger ?'

L'agence Direct Social Communications semble ainsi renforcer son offre de service en matière de lancement 'clé-sur-porte', sur le marché belge, d'associations totalement contrôlées depuis l'étranger par des administrateurs qui n'ont quasi aucun lien avec notre pays.

Risques accrus de sur-sollicitation
Pareille gestion intégrale, en sous-traitance, des opérations de collecte de fonds est fréquemment source de problèmes.
D'autres articles publiés sur ce site ont ainsi souligné plus d'une fois que la société DSC s’arroge souvent le droit, sur base d’un article figurant en petits caractères à la fin de l’appel au don, d’exploiter elle-même les adresses des donateurs nouvellement recrutés pour le compte de l'association. 
C'est le cas de l'appel aux dons de SOS World encarté dans La Libre Belgique, qui se termine par la mention suivante, en petits caractères:
"Nous enregistrons les données des personnes qui nous soutiennent dans un fichier cogéré avec DSC (...) également responsable de cette cette opération. Sauf objection de votre part, ces données peuvent également être utilisées pour d'autres actions humanitaires".

On sait que cette clause contribue à amplifier le phénomène de sur-sollicitation de nombreux donateurs, fort irrités de recevoir un nombre croissant de sollicitations.

Appels d'urgence: finalité humanitaire et intérêts commerciaux entremêlés
Du fait que cette clause très particulière permet à l'agence commerciale d'exploiter elle-même les coordonnées des donateurs nouvellement recrutés, celle-ci a intérêt, dans le cas d'une crise humanitaire, à devancer les autres ONG en diffusant au plus vite l’appel au don de son association cliente: pareille prospection 'express' en période de crise humanitaire permet à l'agence de devenir co-propriétaire de nombreuses nouvelles adresses de donateurs, qui seront ensuite sollicités dans le cadre d'appels pour d'autres associations.
Mais il arrive que pareille opération de prospection en urgence, par encartage dans divers quotidiens, ne produise qu'un petit nombre de dons, notamment parce que l'association est peu connue. Celle-ci devra néanmoins supporter tous les coûts de cette prospection qui n'aura généré qu'un faible pourcentage de recettes susceptibles d'être affectées à l'aide directe en faveur des victimes. 

Oui, grandes ou petites, les ONG méritent presque toutes notre confiance

Ces observations critiques concernant la récente et importante opération de prospection de SOS World ne concernent en aucun cas les pratiques bien plus éthiques et transparentes de nombreuses autres ONG actives en Belgique. 
Les diverses famines qui frappent actuellement différentes régions d'Afrique doivent donc nous inciter à mobiliser sans crainte nos concitoyens à soutenir en confiance les ONG dont la compétence et la transparence financière ne peuvent être mises en cause.
On pense notamment aux associations membres du Consortium 12-12, ainsi qu'à Médecins sans Frontières et à la Croix-Rouge de Belgique.

On hésitera par contre à suggérer aux donateurs de confier leur contribution à une jeune association peu connue qui cumule des caractéristiques peu rassurantes:
- gestion erratique des contacts avec les donateurs (ligne téléphonique branchée sur un répondeur, etc)
- rapports d’activités et comptes annuels non-disponibles sur le site Internet ou sur demande adressée par un donateur
- pilotage de l'association 'à distance', par des administrateurs qui résident tous à l’étranger
- opérations de collecte de fonds intégralement gérées par une agence commerciale souvent critiquée pour certaines pratiques peu éthiques ou génératrices de pourcentages élevés de frais de collecte.

Il serait heureux que les administrateurs de l'asbl SOS World, dont nul ne souhaite mettre en doute la bonne volonté, prennent conscience de ce que les coûteuses campagnes de prospection qu'ils financent en Belgique dans un contexte de frais de gestion et de collecte de fonds particulièrement élevés, risquent d'affaiblir le climat de confiance qui prévaut actuellement entre les acteurs belges de la collecte et leurs donateurs.

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    'Direct Social Communications: des techniques de fundraising souvent critiquées'

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