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Que signifie « Récolter des fonds de manière éthique » ?
19 janvier 2015 - Une récente rencontre organisée à l’initiative de la Fundraisers Alliance Belgium (5 novembre, Leuven) s’était fixé pour objectif de poser cette difficile question à différents acteurs de la collecte.
Certaines interventions confirmèrent la réalité des divergences d'appréciation entre les principes éthiques dont se réclame notamment l’AERF, et certains arguments émanant de fundraisers commerciaux.

La société DSC (Direct Social Communications), gère la communication aux donateurs pour le compte d’une vingtaine d’organisations à vocation humanitaire ou sociale.
Nous résumons et commentons ci-dessous quelques-uns des arguments développés le 5 novembre dernier par Ludo Longin, directeur de Direct Social Communications.

 

1 Rendement supérieur des mailings accompagnés de ‘premiums’
Ludo Longin préconise le recours aux mailings accompagnés de ‘premiums’, c’est-à-dire de gadgets divers joints au message adressé aux donateurs. Il rappelle que nombre de tests confirment que l’ajout d’un premium garantit un taux de réponse significativement plus élevé, comparé à l’envoi d’un courrier normal.
On observera cependant que l’argument des prestataires commerciaux se focalise sur un ratio financier immédiat, mais ne prend guère en compte deux conséquences négatives que cette pratique peut encourager à moyen terme:

  • s'il est vrai que la recette nette augmente, il y a également hausse des frais de collecte à charge de l’association,
  • on ne prend guère en compte l'irritation de donateurs qui estiment que les associations gaspillent ainsi le produit de leur générosité en dépenses dédiées à la diffusion de gadgets qu’ils considèrent inutiles.

 

2 Les images choquantes, un mal nécessaire ?
A ceux qui critiquent l'usage fréquent de messages et de visuels qui mettent en scène des situations individuelles dramatiques, le directeur de DSC oppose deux arguments.

Il lui semble d'une part vain de vouloir résister à une tendance sociétale inéluctable : la fréquence accrue de messages associatifs conçus sur base d’images choquantes ne ferait que s’inscrire dans une évolution générale, déjà encouragée et banalisée par de nombreux éditeurs de médias ‘grand public’.

Il y aurait d'autre part un devoir de vérité à l’égard des donateurs: prenant notamment pour exemple les mailings que DSC produira prochainement pour le compte de l’asbl Noma, association qui sert la cause de patients gravement défigurés, Ludo Longin plaide en faveur d’une communication qui choque parfois le donateur, parce que le message de l'association n’est pas censé masquer la réalité des situations individuelles dramatiques.

Ces arguments ont-ils convaincu l’auditoire ? On sait que l’envoi fréquent de mailings conçus sur base de récits et de visuels à tonalité misérabiliste constitue un point de désaccord important entre une minorité d’associations qui recourent à ces pratiques, et beaucoup d’acteurs de la collecte – dont nombre de membres de l’AERF (Association pour l'Ethique dans les Récoltes de Fonds) - qui réprouvent le recours répété à ce type de messages.

L'exposé présenté au cours du même workshop par Erik Todts (AERF) rappelait fort opportunément, concernant cette question, les arguments avancés par Axel Gosseries, chercheur FNRS et auteur d'un ouvrage consacré à l'éthique dans la récolte de fonds (slide ci-contre).


Lire également, concernant le même sujet,
l'article Ethique et efficacité des mailings: un exemple

 

 

 

 

 

 

 

3 Quel pourcentage maximum de frais de collecte en prospection ?
La règlementation de l’Administration des Finances comprend diverses dispositions relatives aux frais de gestion (maximum 20%) et aux frais de communication (maximum 30%), ces pourcentages étant calculés sur base d’une moyenne pluri-annuelle.
Ces dispositions sont assez comparables aux cadres règlementaires en vigueur dans d’autres pays européens.
Ludo Longin observe que cette règlementation ne freine pas l'expansion des grands acteurs de la collecte : la disponibilité d’importantes recettes émanant de dons ou de legs leur permettent d'affecter un budget annuel significatif aux opérations de prospection.
Il souligne à raison que ces règles limitent considérablement le montant de l’investissement annuel en prospection des plus petites associations, du moins si elles souhaitent ne pas perdre le bénéfice de l’agrément fiscal accordé aux donateuirs par le SPF Finances.

 

4 Plaidoyer pour plus de transparence

Le directeur de DSC insiste volontiers sur quelques principes essentiels - écoute et respect du donateur, confiance, ‘donor care’ - que son entreprise se fait fort de respecter.
Il invite par ailleurs les associations à faire tout autant preuve de transparence à l’égard de leurs donateurs. 
Mais on constate précisément, concernant le degré de transparence des associations dont la communication aux donateurs est principalement gérée par DSC, que le détail de leurs dépenses et recettes issues de la collecte n’est que rarement publié sur leur site internet ou sur les sites de Donorinfo ou de l'AERF.

 

5 « Laissons la liberté aux donateurs ? »
Le directeur de DSC semble rejoindre le point de vue défendu par d’autres fundraisers professionnels du secteur commercial, notamment néerlandais, qui doutent de l’utilité ou de l'efficacité de certaines règles édictées par divers codes de conduite: imposition d'un plafond maximum en termes de pourcentage de frais de collecte (code CBF aux Pays-Bas), interdiction de l'envoi récurrent de messages à tonalité misérabiliste (code AERF), etc.
Plutôt rétif vis-à-vis de diverses tentatives de régulation du marché de la collecte, Ludo Longin réplique à ses détracteurs que mieux vaut "laisser aux donateurs la liberté de juger".

 

6 Priorité au résultat financier net, au détriment du pourcentage de frais de collecte ?

Ludo Longin suggère volontiers de ne pas accorder trop d'importance au pourcentage des frais de collecte, dès lors que l'association a intérêt à dégager un maximum de recettes, de manière à venir en aide à un grand nombre de bénéficiaires.
Cet argument ne tient cependant guère compte de l'opinion des donateurs concernant la part importante de leurs dons qui, dans pareil cas, pourrait être absorbée - sans qu'ils en soient informés - par des frais de marketing.

 

Il se pourrait que ce soit en partie sur base de pareil raisonnement que DSC a réussi à décupler les résultats en prospection de l’association Mercy Ships Belgium.

Créée en décembre 2009 et animée par une poignée de bénévoles déterminés, l'association a confié ses opérations de prospection et de fidélisation des donateurs à DSC.

L'organisation totalise quatre ans plus tard quelque 25.000 donateurs ainsi que 1,6 millions d’euros de dons (pas de legs) sur base annuelle (comptes 2013).

 

Autres questions sans réponse
L'intéressant mais trop bref exposé de Ludo Longin n’aura pas permis d'ouvrir un débat concernant le risque d'effets pervers générés par d'autres pratiques encouragées par certains prestataires commerciaux : 

  • irritation provoquée par la fréquence élevée d’envoi de mailings (jusqu’à 12 fois par an), 
  • sur-sollicitation de certains donateurs lorsque l'association accepte que les adresses des donateurs nouvellement acquis soient durablement cédées à un prestataire commercial qui en fait régulièrement usage dans le cadre de prospections, 
  • risque d'augmentation significative des frais de collecte en phase de démarrage lorsque l'association accepte la proposition d'un prestataire commercial qui s'engage à préfinancer lui-même les investissements en prospection.

Autre article sur le même thème: Direct Social Communications : agence leader en fundraising par direct mail

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Sources utiles:

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    'Direct Social Communications: des techniques de fundraising souvent critiquées'