Street fundraising: Ostende interdit le recrutement de donateurs sur la voie publique
15 juillet 2017 – Le quotidien Het Laatste Nieuws du 14 juillet consacre un dossier à la récente décision des autorités communales de la ville d’Ostende qui ont retiré aux associations l'autorisation de mener des opérations de recrutement de donateurs dans les rues commerçantes de la ville.
La plupart des médias néerlandophones se sont fait l’écho de cette décision, qui concerne plusieurs associations telles que NICEF, le WWF, Greenpeace ainsi que la Croix-Rouge.
Pour Johan Vande Lanotte (SP.A.), bourgmestre d’Ostende, nombre de passants se plaindraient d’être exagérément sollicités (“aangeklampt”) tandis que les commerçants de la ville estiment perdre des clients du fait de la présence de recruteurs aux alentours de leurs établissements.
Le Laatste Nieuws rapporte que le S.N.I. (Syndicat National des Indépendants) s’était également fait l’écho de récriminations émanant de certains de ses commerçants affiliés.
Le bourgmestre d’Ostende propose que les ONG se tourner davantage vers d'autres modes de recrutement, tel qu'Internet et les réseaux sociaux.
Une technique de prospection efficace, mais parfois jugée invasive
Pour Philippe Henon - porte-parole d’UNICEF - ainsi que Koen Stuyck (WWF) le street fundraising est une technique de recrutement de sympathisants nettement plus efficace que les appels à la générosité par mailings ou au travers d’annonces en presse écrite et radio-télévisée.
Le recrutement sur la voie publique a ainsi permis à l’UNICEF de mobiliser plus de 75.000 nouveaux donateurs en 2016, qui acceptent de verser de 9 à 10 euros par mois.
Il semble donc incontestable qu'une diminution de la collecte au moyen du street fundraising ne pourrait être compensée par le recours accru à d'autres techniques de prospection.
Les associations sont toutefois conscientes du risque d’irritation que peut provoquer l’approche quelque peu intrusive du street fundraising, qui débute par une interpellation directe du passant, et se prolonge en fin de dialogue par une proposition qui privilégie toujours la souscription à un engagement de don mensuel.
L’article du Laatste Nieuws cite Maarten Boudry, philosophe et moraliste de l’Université de Gand, lequel observe que les recruteurs évitent d'offrir aux personnes contactées l’opportunité de repartir avec un dépliant leur permettant de réfléchir à l'aise, chez eux, à l’opportunité d’un don.
Peu de critiques en Belgique, davantage à l’étranger
Le street fundraising n’a à ce jour que rarement fait l’objet de contestations en Belgique, si ce n’est à l’occasion d’une interdiction similaire prononcée en 2011 à l’initiative de Louis Tobback (SP.A.), bourgmestre de Leuven (lien).
Ce mode de prospection a bien fait l’objet de critiques aux Pays-Bas, où son rendement serait plus faible qu'en Belgique (lien).
Les médias britanniques se sont par contre souvent mobilisés contre le comportement jugé agressif de certaines équipes de recruteurs, désignés par leurs détracteurs sous la dénomination péjorative de « chuggers ».
Les autorités britanniques ont dès lors mis en place une structure de régulation, appelée Public Fundraising Regulatory Association (PFRA), chargée de réglementer de manière contraignante les opérations de recrutement de donateurs sur la voie publique.
Un article du Daily Telegraph révélait en avril 2016 que le PFRA avait délivré en trois ans des amendes à hauteur de £ 165.000 pour non-respect des règles en matière de street fundraising (lien).
Le PFRA a été dissous en 2016 lorsque divers organismes de régulation du marché de la collecte ont été transférés au sein du Fundraising Regulator.
Cette nouvelle instance a édité un Rule Book 'Street Fundraising' dont les dispositions sont également relativement strictes.
-> Lire 'Street fundraising: auto-régulation sévère, amélioration incontestable' (lien)
L'Institute of Fundraising a mené au cours des derniers mois une importante enquête de type 'mystery shopping', destinée vérifier le comportement de neuf cents recruteurs.
Le nombre d'infractions constatées s'est avéré être en forte baisse en comparaison aux années précédentes (lien1 et lien2).
Prévenir les risques d’irritation du public et des commerçants
Dans plusieurs pays d’Europe le street fundraising, et dans une certaine mesure le marketing téléphonique, ont contribué de manière décisive au maintien d’une croissance lente mais persistante de la générosité publique au profit des grandes associations à forte notoriété.
Celles-ci entendent éviter que ce mode de recrutement soit perçu comme trop invasif, au risque d’entamer la confiance du public et d'inciter les autorités communales à prononcer des mesures d’interdiction.
La plupart des associations belges concernées par cette problématique ont dès lors pris l'engagement de respecter une Charte du Dialogue Direct dont les grandes lignes ont été définies dans le cadre d’une concertation coordonnée par l’Association pour une Ethique en Collecte de Fonds (AERF).
Un plan de répartition des équipes de prospection a été mis en place de manière à éviter une concentration trop importante de recruteurs sur certaines artères.
Le public est cependant de plus en plus souvent sollicité sur la voie publique, notamment du fait d’un nombre croissant d’équipes de recruteurs mobilisés par les diverses agences commerciales qui sous-traitent ces opérations de prospection pour le compte de plusieurs associations.
Citons, parmi les principales agences commerciales actives en street fundraising sur le marché belge: Activate, APPCO, Direct Result, ONG Conseil et Pepperminds.
Plusieurs d'entre elles appartiennent à des structures internationales spécialisées en collecte de fonds.
Diversification
L'accroissement du nombre d'équipes de recruteurs a entrainé une diminution des rendements des opérations menées dans les artères commerçantes des grandes villes.
Ce constat a amené certaines agences commerciales à diversifier les lieux de prospection.
Certaines sont dès lors également présentes à la sortie de grands établissements commerciaux, tel IKEA pour le compte d’UNICEF et le réseau des magasins Delhaize pour le compte de diverses associations, dont WWF et la Rode Kruis Vlaanderen.
D'autres associations, tel Child Focus, ont préféré s'orienter vers le démarchage en porte-à-porte, cette fois encore en recourant aux services d'une agence commerciale spécialisée.
Comment renforcer les appels à la générosité sans lasser le public ?
La pression accrue consécutive à l'accroissement du nombre de recruteurs a peut-être contribué à accélérer dans certains pays l'érosion du capital de confiance dont le secteur associatif bénéficiait précédemment.
Si pareille évolution a sans nul doute été observée au Royaume-Uni, aucune enquête n'a pu confirmer dans quelle mesure la fréquence accrue des campagnes de street fundraising provoque également en Belgique un sentiment de lassitude ou d'irritation au niveau des personnes sollicitées.
Concernant la suite à donner à l'actuel contentieux avec la ville d'Ostende, il se pourrait que diverses villes et communes belges puissent s'inspirer des conventions signées au Royaume-Uni entre l'Institute of Fundraising et plus de 125 municipalités locales.
La plus récente convention date d'avril 2017 et concerne la ville de Birmingham (lien1 et lien2).
Sources:
- Het Laatste Nieuws (14/07/2017 - 'Bedelverbod voor goede doelen' (lien)
- Association pour l'Ethique en Collecte de fonds (AERF) - Charte du Dialogue Direct (lien)
- Fundraising Regulator - 'Rulebook for Face-to-Face Fundraising' (lien)
Direct Social Communications: des techniques de fundraising souvent critiquées
Les articles listés ci-dessous pointent, en prenant pour exemple les activités de l'agence de fundraising Direct Social Communications, des risques de dérives dans le cadre d'opérations de prospection ou de fidélisation que certaines associations caritatives sous-traitent auprès d'un prestataire commercial.
Messages à tonalité misérabiliste, fréquence élevée des appels aux dons, vente ou échange de fichiers de donateurs, pourcentages élevés de frais de collecte et de dépenses administratives contribuent dans certains cas à miner la confiance des donateurs.
- 13 octobre 2012 - Assaillis d'appels aux dons
- 15 novembre 2013 - Collecte de fonds: le dilemme éthique
- Juin 2014 - L'émission 'On n'est pas des pigeons' (RTBf) dénonce l'emploi de messages misérabilistes
- 18 janvier 2015 - Culpabiliser pour stimuler la générosité ?
- 19 janvier 2015 - Direct Social Communications : agence leader en fundraising par direct mail
- 19 janvier 2015 - Ethique de la collecte : témoignage de Direct Social Communications
- 19 janvier 2015 - Ethique et efficacité des mailings: un exemple
- 25 mai 2015 - Privatisation des campagnes de collecte de fond : danger ?
- 23 novembre 2016 - Alexander De Croo dénonce le harcèlement de certains donateurs
- 5 mai 2017 - SOS World, nouvel acteur de la collecte promotionné par l'agence DSC
- 3 mai 2018 - Le RGPD mettra-t-il fin à la sur-sollicitation des donateurs ?
- 23 mai 2018 - Le RGPD et l'envoi répété de cadeaux non-sollicités
- 4 mai 2020 - Direct mail met ongevraagde prullen
- 12 février 2021 - Echange de listings de donateurs, envoi de cadeaux non-sollicités: on continue ?
- 25 novembre 2022 - Curieux mailing-test à l'initiative de la Fondation des Brûlés
- 22 mars 2023 - SOS World, exemple de sous-traitance intégrale de la collecte de fonds
-> Autres articles consacrés à la thématique 'Ethique et transparence' (lien)
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AERF : plan stratégique ambitieux et nouveau Conseil d’administration
Fragilités et ambitions
8 avril 2017 - La dernière Assemblée générale de l'AERF (Association pour une Ethique dans les Récoltes de Fonds) a entériné un renouvellement partiel de son Conseil d'Administration et a adopté un ambitieux Plan Stratégique 2017-2019.
On a pu regretter que les associations membres de l'AERF n'aient pas encore osé mettre en place un financement significatif et récurrent de cette plateforme commune des acteurs de la collecte.
L'impact de l'AERF en est malheureusement d'autant plus limité, alors que les associations caritatives belges auraient besoin d'être soutenues par une structure commune aussi solide que Goede Doelen Nederland (Pays-Bas), l'Institute of Fundraising (Royaume-Uni), ou Le Don en Confiance (France).
La plateforme belge compte un peu moins de 150 associations membres, dont les recettes issues de la générosité publique s'élevaient en 2015 à 190 millions de dons et 67 millions de legs.
La plateforme représente ainsi un ensemble d'associations qui collectent ensemble près de la moitié des dons versés annuellement par nos compatriotes.
Notre pays compte au total plus de 3.000 associations actives en levée de fonds, dont 1.700 associations habilitées par le SPF Finances à octroyer une attestation fiscale.
L'AERF est actuellement encore peu représentative des nombreuses causes qui collectent moins d'un million d'euros par an, et qui sont faiblement représentées au sein de son Conseil d'Administration.
La plateforme regroupe par contre la plupart des grands acteurs de la collecte. Elle n'a à ce jour pas encore réussi à susciter l'adhésion d'organisations telles que Croix-Rouge de Belgique (en Communauté francophone), Kom op tegen Kanker ou les Iles de Paix.
On se réjouit de ce que, malgré la fragilité des ressources dont elle dispose, la récente Assemblée générale de l'AERF ait choisi d'élargir ses champs d'intervention (lire ci-dessous), dépassant ainsi la préoccupation historique de la plateforme en matière d'éthique de la collecte.
Communiqué de l'AERF
Plan stratégique ambitieux et nouveau Conseil d’administration
L’Assemblée générale de l'Association pour une Ethique dans les Récoltes de Fonds a adopté un Plan stratégique (2017-2019) et chargé un nouveau Conseil d’administration de le réaliser.
Le Plan stratégique 2017-2019 ambitionne le renforcement du rôle et l’augmentation de l’impact de l’AERF dans quatre domaines:
- l’éthique et la transparence dans les récoltes de fonds
- la défense des intérêts communs, en tant qu’organisation représentative des associations et fondations faisant appel à la générosité de la population
- le professionnalisme, la qualité et la durabilité de la récolte de fonds
- la promotion de la générosité de la population
A l’issue de l’Assemblée générale, le nouveau Conseil d’administration a procédé à la répartition en son sein des responsabilités et mandats:
Michel Lorge (UNICEF Belgique) a été désigné Président de l’AERF. Il a été chargé notamment de l’implémentation dans le marketing non-marchand belge des nouvelles règles européennes concernant la protection de la vie privée et assurera le lien avec la Fédération Belge des Fondations Philanthropiques.
Erik Todts (expert indépendant) a été désigné vice-Président et Trésorier de l’AERF. Il suit une série de dossiers en lien avec la fiscalité et le droit des associations et préparera un alignement du Code éthique sur les conclusions d’une étude de la KUL (novembre 2016).
Luc Heyvaert (Light for the world) assume le mandat de Secrétaire de l’AERF. Il est aussi le contact de presse.
Voici les autres administrateurs:
- Frédéric Brocvielle (CNCD 11.11.11)
- An-Heleen De Greef (Médecins du Monde)
- Philippe Demaret (Les Amis de la Petite Maison)
- Christèle Devos (SOS Villages d’Enfants)
- Richard Julémont (Enfants de la Paix)
- Stéphane Steyt (Action Damien)
- Peter Van Craenenbroeck (Koepel Vlaamse Noord-Zuidbeweging 11.11.11)
- Jeroen Van Hove (Oxfam-Solidarité)
Annelies Van Hamme a été confirmée comme secrétaire et chargée de la communication. Elle est disponible à mi-temps (lundi jusqu’à mercredi midi) au secrétariat.
L’AERF salue le professionnalisme, la disponibilité et le volontarisme de son Président sortant, Luc De Groote, en fonction depuis 2012, et du Secrétaire depuis 2005, Philippe Demaret.
-> Liste des articles publiés sur ce thème, classés sous Archives 2013-2017 - Ethique & Transparence
Persbericht VEF
Ambitieus Strategisch plan en nieuwe Raad van Bestuur
De Algemene Vergadering van de Vereniging voor Ethiek in de Fondsenwerving heeft een Strategisch Plan (2017-2019) goedgekeurd, en een nieuwe Raad van Bestuur aangesteld om het uit te voeren.
Het Strategisch Plan 2017-2019 heeft de ambitie de rol en de impact van de VEF te versterken op volgende 4 domeinen:
- ethiek en transparantie in de fondsenwerving
- belangenbehartiging, als representatieve sectororganisatie, gebaseerd op lidmaatschap van verenigingen die beroep doen op de vrijgevigheid van de bevolking
- professionaliteit, kwaliteit en duurzaamheid van de fondsenwerving
- de vrijgevigheid van de bevolking in het algemeen
In navolging van de Algemene Vergadering werden volgende verantwoordelijkheden en mandaten onder het nieuwe bestuur verdeeld:
Michel Lorge (UNICEF België) werd aangeduid als voorzitter van de VEF. Hij zal onder meer de implementatie van de nieuwe Europese regelgeving voor de Belgische non-profit sector met betrekking tot de bescherming van het privéleven op zich nemen, en zal de link met de Belgische Federatie van Filantropische Stichtingen verzekeren.
Erik Todts (onafhankelijk expert) werd aangeduid als ondervoorzitter en penningmeester van de VEF. Hij volgt een reeks dossiers op met betrekking tot fiscaliteit en verenigingsrecht, en zal mee instaan voor de herwerking van de Ethische Code op basis van de conclusies van een academisch onderzoek uitgevoerd door de KUL (november 2016).
Luc Heyvaert (Light for the world) neemt het mandaat op van secretaris van de VEF. Hij is ook het aanspreekpunt voor persvragen.
Dit zijn de overige VEF-bestuursleden:
- Frédéric Brocvielle (CNCD 11.11.11)
- An-Heleen De Greef (Dokters van de Wereld)
- Philippe Demaret (Les Amis de la Petite Maison)
- Christèle Devos (SOS Kinderdorpen)
- Richard Julémont (Enfants de la Paix)
- Stéphane Steyt (Damiaanactie)
- Peter Van Craenenbroeck (Koepel Vlaamse Noord-Zuidbeweging 11.11.11)
- Jeroen Van Hove (Oxfam-Solidariteit)
Annelies Van Hamme blijft aangesteld als secretariaats- en communicatiemedewerker. Zij is halftijds aanwezig op het secretariaat (maandag t.e.m. woensdagmiddag).
De VEF waardeert het professionalisme, de beschikbaarheid en de belangeloze inzet van de uittredende voorzitter Luc De Groote, sinds 2012, en van de secretaris sinds 2005, Philippe Demaret.
SOS World, nouvel acteur de la collecte promotionné par l'agence DSC
Urgence 'Famines': campagne du Consortium 12-12, et d'autres associations
Le présent article a été publié initialement le 19 avril 2017, suite à la campagne de prospection de l'asbl SOS World.
Monsieur Thomas Schirrmacher, fondateur de cette association, nous a apporté le 28 avril dernier - soit quatre mois après nos demandes répétées d'information - divers éléments de réponse qui ont été intégrées dans la version remaniée de cet article.4 mai 2017 – L’imminence de situations de famine qui menacent plusieurs pays d’Afrique ont conduit les plateformes nationales d’ONG de plusieurs pays européens à organiser une campagne nationale de sensibilisation de collecte de fonds.
La campagne belge du Consortium 12-12 pour les Appels d'Urgence est intitulée 'FAMINE 12-12'.
-> Lire 'Famine 12-12 et autres campagnes nationales d’appel à la générosité'
Des campagnes nationales similaires ont été lancées dans divers pays d'Europe, et ailleurs dans le monde, aux alentours du 14 mars dernier.
Toutes n'ont guère engrangé des résultats spectaculaires en termes de mobilisation de dons.
La campagne belge du Consortium 12-12 a collecté à ce jour huit millions d'euros.
D'autres appels à la générosité ont été diffusés en Belgique à l'initiative de plusieurs ONG que les donateurs belges connaissent et apprécient depuis bien longtemps.
Un appel aux dons pour les victimes de la famine au Soudan du Sud a été diffusé à la même période à l'initiative de l'asbl SOS World, une structure très peu connue jusqu'il y a peu.
Urgences: presque toutes les ONG, petites ou grandes, méritent notre confiance
Les grandes ONG belges dont on connait l'engagement fréquent dans des contextes d’aide humanitaire en urgence ne sont que rarement mises en cause pour la qualité de leur travail ou un éventuel manque de transparence financière.
Concernant les plus petites associations, le CNCD-11.11.11 et son équivalent néerlandophone Koepel van de Noord-Zuid Beweging ont maintes fois rappelé que leur taille plus modeste ne les empêche pas d’intervenir efficacement en situation d'urgence, surtout si elles sont déjà actives dans la région frappée par une catastrophe humanitaire.
Votre don à SOS World sera-t-il utilisé de manière optimale ?
Conseillerait-on pour autant à nos concitoyens de répondre à l’appel à la générosité de la jeune asbl SOS World, intitulé 'La faim frappe le Soudan du Sud' ?
Cet appel a été diffusé en mars dernier par encartage dans 'La Libre Belgique' et un quotidien néerlandophone, puis dans l'heddomadaire 'Dimanche'.
Au crédit de l’asbl SOS World, on notera volontiers que
- l’association a été fondée par un théologien allemand réputé, dont il serait malvenu de mettre en doute l’engagement désintéressé;
- le site de SOS World rappelle que l’organisation est active depuis déjà cinq ans au Soudan du Sud, où l’association aurait fait parvenir de nombreux avions chargés de colis humanitaires.
Mais le donateur qui, tel l’auteur de ces lignes, s’efforce d’obtenir davantage d’informations sur l’asbl SOS World, ne manquera pas de se sentir dubitatif au vu des constats suivants:
- La ligne téléphonique de l'asbl aboutit à un répondeur qui ne donne guère suite aux messages.
Nos demandes d'information, notamment par email, n'ont donné lieu à une réponse que le 28 avril dernier, soit quatre mois plus tard. - Le site de l'asbl SOS World ne publie ni Rapport d'Activités ni Rapport financier.
- Le Moniteur belge indique que l'asbl a été fondée en décembre 2014 et que son Conseil d'Administration se compose de trois membres d'une même famille qui résident tous en Allemagne.
SOS World annonce être actif depuis cinq ans au Soudan du Sud alors que l'asbl n'existait pas il y a trois ans. Cette contradiction ne serait qu'apparente si l'asbl belge reconnaissait clairement être adossée à un autre opérateur associatif qui opère depuis plus longtemps en Afrique.
Ce n'est que dans le courrier tardif que le fondateur de l'asbl SOS World nous a transmis qu'il apparait que l'association belge ne dispose pas d'équipes en Afrique: elle transfère en réalité ses recettes à une organisation allemande dénommée Gebende Hände, qui est également dirigée par le fondateur de la structure belge.
Cet arrangement, qui n'est en soi pas répréhensible, n'est guère signalé sur le site de l'association ou dans ses mailings. - La DZI (Deutschen Zentralinstitut für soziale Fragen), autorité allemande régulatrice en matière de collecte de fonds, ne liste pas l'association Gebende Hände parmi les membres de cette plateforme.
L'association Gebende Hände a par contre été clairement critiquée dans le passé, en Allemagne, pour l'usage de messages à tonalité misérabiliste.
C'est du moins ce qui ressort d'un interview accordé le 3 décembre 2013 par Burkhard Wilke, directeur de la DZI, à l'agence de presse de sensibilité évangélique Idea Pressedienst: 'Der Spenden-TÜV: Wem kann man vertrauen?' (article consultable en ligne).
Gebende Hände est également cité par le site allemand Charity Watch, ainsi que dans le livre 'Die Spendenmafia' ('La mafia des dons') de Stefan Loipfinger, un ouvrage polémique paru en 2011 dont nous ne connaissons pas le degré de crédibilité.
Le site de Gebende Hände comprend une description détaillée de différents labels dédiés à l'éthique de la collecte ('spendensiegel'). Il est précisé que l'association n'y souscrit pas du fait de leur coût. - Précisons que SOS World, qui ne bénéficie pas de la reconnaissance en matière d'attestations fiscales, n'est pas membre de l'AERF.
L'association ne publie pas ses comptes sur la plateforme Donorinfo et n'est pas membre du CNCD-11.11.11 ou de la 'Koepel van de Noord-Zuid Beweging'. - Concernant le bilan financier de l'asbl, les informations qui nous ont été transmises le 28 avril par le fondateur de SOS World ne sont guère rassurantes.
Monsieur Schirrmacher fait état d'une croissance très rapide de cette asbl, qui comptait déjà 14.000 nouveaux donateurs fin 2016, soit durant la deuxième année de prospection par l'intermédiaire de l'agence commerciale DSC.
Les comptes 2016 font apparaître une recette de 100.340 €, dont un solde de 31.220 € qui pourra être affecté aux projet humanitaire de l'association.La jeune asbl SOS World enregistre donc 68% de frais administratifs et de collecte de fonds durant sa deuxième année d'activités.
Or on sait qu'une association active en levée de fonds se doit d'affecter, sur une période de trois ans, au minimum les deux tiers des recettes issues de la générosité publique à son objet social.
On est en droit de se demander, au vu des résultats financiers de la deuxième année, comment SOS World pourrait présenter fin 2017 un ratio de frais de collecte de fonds de maximum 30% sur ses trois premières années de fonctionnement.
Direct Social Communication, spécialiste du lancement clé-sur-porte de nouveaux acteurs de la collecte
A l'évidence, de même que dans le cas du lancement récent sur le marché belge de l'asbl Noma, voici à nouveau une asbl de droit belge qui établit son siège social à l'adresse de l'agence commerciale Direct Social Communications (DSC), alors que tous les membres du C.A. résident en Allemagne.
L'agence commerciale DSC gère dans les deux cas, en full-service, l’intégralité des opérations de collecte de fonds.
-> Lire 'Privatisation des campagnes de collecte de fond : danger ?'
L'agence Direct Social Communications semble ainsi renforcer son offre de service en matière de lancement 'clé-sur-porte', sur le marché belge, d'associations totalement contrôlées depuis l'étranger par des administrateurs qui n'ont quasi aucun lien avec notre pays.
Risques accrus de sur-sollicitation
Pareille gestion intégrale, en sous-traitance, des opérations de collecte de fonds est fréquemment source de problèmes.
D'autres articles publiés sur ce site ont ainsi souligné plus d'une fois que la société DSC s’arroge souvent le droit, sur base d’un article figurant en petits caractères à la fin de l’appel au don, d’exploiter elle-même les adresses des donateurs nouvellement recrutés pour le compte de l'association.
C'est le cas de l'appel aux dons de SOS World encarté dans La Libre Belgique, qui se termine par la mention suivante, en petits caractères:
"Nous enregistrons les données des personnes qui nous soutiennent dans un fichier cogéré avec DSC (...) également responsable de cette cette opération. Sauf objection de votre part, ces données peuvent également être utilisées pour d'autres actions humanitaires".
On sait que cette clause contribue à amplifier le phénomène de sur-sollicitation de nombreux donateurs, fort irrités de recevoir un nombre croissant de sollicitations.
Appels d'urgence: finalité humanitaire et intérêts commerciaux entremêlés
Du fait que cette clause très particulière permet à l'agence commerciale d'exploiter elle-même les coordonnées des donateurs nouvellement recrutés, celle-ci a intérêt, dans le cas d'une crise humanitaire, à devancer les autres ONG en diffusant au plus vite l’appel au don de son association cliente: pareille prospection 'express' en période de crise humanitaire permet à l'agence de devenir co-propriétaire de nombreuses nouvelles adresses de donateurs, qui seront ensuite sollicités dans le cadre d'appels pour d'autres associations.
Mais il arrive que pareille opération de prospection en urgence, par encartage dans divers quotidiens, ne produise qu'un petit nombre de dons, notamment parce que l'association est peu connue. Celle-ci devra néanmoins supporter tous les coûts de cette prospection qui n'aura généré qu'un faible pourcentage de recettes susceptibles d'être affectées à l'aide directe en faveur des victimes.
Oui, grandes ou petites, les ONG méritent presque toutes notre confiance
Ces observations critiques concernant la récente et importante opération de prospection de SOS World ne concernent en aucun cas les pratiques bien plus éthiques et transparentes de nombreuses autres ONG actives en Belgique.
Les diverses famines qui frappent actuellement différentes régions d'Afrique doivent donc nous inciter à mobiliser sans crainte nos concitoyens à soutenir en confiance les ONG dont la compétence et la transparence financière ne peuvent être mises en cause.
On pense notamment aux associations membres du Consortium 12-12, ainsi qu'à Médecins sans Frontières et à la Croix-Rouge de Belgique.
On hésitera par contre à suggérer aux donateurs de confier leur contribution à une jeune association peu connue qui cumule des caractéristiques peu rassurantes:
- gestion erratique des contacts avec les donateurs (ligne téléphonique branchée sur un répondeur, etc)
- rapports d’activités et comptes annuels non-disponibles sur le site Internet ou sur demande adressée par un donateur
- pilotage de l'association 'à distance', par des administrateurs qui résident tous à l’étranger
- opérations de collecte de fonds intégralement gérées par une agence commerciale souvent critiquée pour certaines pratiques peu éthiques ou génératrices de pourcentages élevés de frais de collecte.
Il serait heureux que les administrateurs de l'asbl SOS World, dont nul ne souhaite mettre en doute la bonne volonté, prennent conscience de ce que les coûteuses campagnes de prospection qu'ils financent en Belgique dans un contexte de frais de gestion et de collecte de fonds particulièrement élevés, risquent d'affaiblir le climat de confiance qui prévaut actuellement entre les acteurs belges de la collecte et leurs donateurs.
-> Autres articles consacrés aux pratiques commerciales de l'agence Direct Social Communications (lien)
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Etude KU Leuven - Ethique de la collecte: la parole au donateur
La vision du donateur belge sur l’éthique dans les récoltes de fonds
27 novembre 2016 - L’AERF a chargé une équipe de chercheurs de la KU Leuven (Professeur Tine Faseur et Professeur Tine De Bock) de réaliser une enquête qualitative consacrée au ressenti des donateurs par rapport à diverses pratiques de récolte de fonds.
Les principales conclusions de la recherche furent présentées le 24 novembre dernier à Bruxelles, lors du Congrès de l’AERF.
L'Association pour une Ethique dans la Récolte de Fonds célèbre cette année son 20ième anniversaire.
Les chercheurs de la KU Leuven ont regroupé les constatations tirées d'une série de dix-huit interviews réalisés auprès de donateurs - six francophones et douze néerlandophones - qui soutiennent une association depuis au moins trois ans.
Le protocole de questionnaire utilisé pour ces interviews avait tout d'abord été testé dans le cadre de trois ‘focus groups’ (2 NL, 1 FR).
Les réponses ont été regroupées autour de plusieurs concepts-clés qui semblent guider le donateur dans son appréciation du degré d’éthique des organisations actives en collecte de fonds: liberté de choix, dignité, authenticité, relation de longue durée, ciblage (choix des objectifs), équilibre.
Nous reprenons ci-dessous, pour chaque concept-clé, divers commentaires et exemples extraits de l'étude (traduction française provisoire) ou cités par le professeur Tine Faseur au cours de son exposé.
1 - Liberté de choix
Le donateur juge que sa liberté de choix doit être préservée.
Ainsi n'est-il par exemple guère acceptable que l’association utilise des méthodes de persuasion qui relèvent du ‘hard selling’, en sorte que le donateur soit fortement mis sous pression et ne se sente plus réellement libre de donner ou non.
De même, la liberté de choix du donateur n’est guère préservée si l'appel au don vise à lui donner l'impression qu'il est personnellement responsable de la situation dramatique de la victime.
Le recours aux techniques manipulatoires exagérément « pushy », telle l’utilisation répétée du nom du donateur tout au long du message qui lui est adressé, doit donc être récusé.
2 - Dignité
Les atteintes à la dignité du donateur sont inacceptables.
Le donateur n’aime pas avoir l’impression qu’il est un produit à vendre, avant d’être un être humain.
Sa dignité n’est pas respectée si l’association le traite comme un numéro parmi tant d’autres, par exemple s’il ne reçoit guère de remerciement.
Il n’est pas moins tolérable que le message adressé au donateurs ait pour effet de mettre en cause la dignité des bénéficiaires.
3 - Authenticité
Il importe qu’au travers de leurs activités de collecte de fonds les organisations paraissent fiables, crédibles et sincères. D'autant que c'est souvent la tonalité réellement authentique du message adressé au donateur qui l'incitera à donner.
Un message d'appel au don ne peut donc se contenter d'énumérer une série d'arguments simplistes, présentés sans nuance.
De même, le principe d’authenticité n’est pas davantage respecté dans le cadre des campagnes de recrutement de donateurs sur la voie publique (face to face), si le donateur est interpellé par un recruteur qui ne semble guère avoir intériorisé les valeurs de l’association qu'il représente.
Il est également question d'un manque d'authenticité lorsqu'une opération de collecte de fonds mise en oeuvre dans le cadre d'un show télévisé privilégie démesurément la dimension ‘show’.
4 - Relation de longue durée
Les activités en récolte de fonds doivent contribuer à favoriser l’établissement de relations durables, empreintes de confiance, entre les associations et leurs donateurs.
C’est pourquoi l’envoi fréquent de messages qui visent principalement à susciter un don impulsif, n’est pas acceptable.
C’est le cas de certains mailings qui privilégient le recours à des images cruelles ou choquantes, destinées à susciter un sentiment de profond malaise que le donateur est ensuite tenté d’évacuer en effectuant un don.
5 - Ciblage (choix des objectifs)
Le donateur souhaite se voir proposer des objectifs réalistes, car ils lui permettront de vraiment participer à un réel changement.
Il préfère souvent que l’association l'invite à s’engager dans une action à long terme, qui privilégie une approche structurelle des problèmes.
Il importe par ailleurs que les objectifs proposés par l'association paraissent crédibles: il ne faudrait pas que le donateur ait le sentiment que l’association serait plus efficace si elle travaillait différemment.
6 - Equilibre
Le donateur recherche une position de sécurité et d’équilibre qui lui permet d’avoir le sentiment de contrôler sa vie. Cet équilibre s’atteint notamment au travers des différents choix qu’il est amené à faire, au niveau du ou des associations qu’il soutiendra, de la fréquence de ses dons, etc.
Il n'est guère acceptable que certaines pratiques en récolte de fonds cherchent délibérément à le faire sortir de cette zone de confort.
Ainsi, le recours trop fréquent à des messages relativement agressifs ainsi qu'à des images choquantes visent à déstabiliser le donateur, et donc à rompre cet équilibre.
De même, le donateur éprouvera un sentiment de malaise si - du fait d'un non-respect par l'association des règles en usage en matière de protection de la vie privée - il a l'impression de ne plus pouvoir maîtriser l'usage qui est fait de ses données personnelles.
Conclusions
Les auteurs de la recherche ont bien évidemment constaté une hétérogénéité des réponses émanant des dix-huit donateurs interrogés.
Le rapport final de l’étude - dont la version officielle n'est disponible qu'en néerlandais - présente une analyse nettement plus nuancée des différents concepts-clés sommairement présentés dans cet article.
Il indique, pour chaque concept-clé, comment l'organisation concrète des activités en collecte de fonds peut impacter positivement ou négativement le degré de confiance du donateur vis-à-vis des associations qu’il soutient.
Exemples:
- Contenu du message: est-il plus ou moins informatif, ou agressif, etc. ?
- Canaux de contact (mailing, démarchage dans la rue, etc):
Certaines formes de recrutement sur la voie publique, en rue ou en ‘door-to-door’, peuvent présenter des risques de démarchage trop persuasif, ou intrusif.
Mais l'approche directe en rue ou en porte-à-porte peut à l’inverse permettre une meilleure interaction, facilitant de la sorte une relation de longue durée. - Gestion du fichier d’adresse des donateurs:
Questions relatives à la vente ou l'échange de fichiers de donateurs: contraires à l’éthique relative à la protection de la vie privée, etc. ? - Rémunération des fundraisers:
Risques liés aux modes de rémunération sur base de commissions (notamment en recrutement sur la voie publique), etc. - Utilisation des fonds collectés:
Manque de transparence, dépenses démesurées en frais administratifs et de collecte de fonds, affectation des dons à autre-chose que ce qui est annoncé.
L’audit et la certification des comptes sont importants. - Droit à l’information:
La transparence est au coeur du concept d’authenticité.
Sources:
- KU Leuven – 'Etude de la vision du donateur belge sur l’éthique dans les récoltes de fonds'
'Onderzoek naar de visie van Belgische schenkers over ethiek in de fondsenwerving'
Professeurs Tine Faseur & Tine De Bock - KU Leuven - Campus Brussel
Recherche réalisée à l’initiative de l'AERF - Novembre 2016 - Site de l'AERF
-> Autre article concernant le Congrès de l'AERF (26-11-2016): 'Qui sera le syndicaliste de nos donateurs ?'
-> Liste des articles répertoriés sous Archives 2013-2016 - Ethique & Transparence
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