Faites ce que je dis, pas ce que je fais ?
Article mis à jour le 8/6/2017
6 juin 2017 - La transparence financière des associations actives en collecte de fonds est fort heureusement soumise à divers contrôles mis en oeuvre par l’administration publique, dans le cadre de procédures définies par les autorités politiques.
Le comportement des mandataires politiques serait-il pour autant irréprochable dans les rares cas où, à l'inverse, ils administrent eux-mêmes une asbl qui fait appel à la générosité publique ?
L’asbl Samusocial, active en région bruxelloise dans le secteur de la prise en charge des personnes sans abri, figure au nombre de ces structures qui font appel à la générosité des particuliers et des entreprises tout en étant par ailleurs gérées par des mandataires issus du monde politique.
Le Samusocial est piloté par un "bureau" composé de quatre personnes, qui se trouve depuis quelques jours dans le viseur des députés du fait d’un défaut de transparence dans la rémunération de ses administrateurs.
Suite à une interpellation d’Alain Maron, député Ecolo, plusieurs articles parus dans Le Soir (éditions des 29 et 30 mai) s’interrogent sur le bien-fondé de jetons de présence - à hauteur de 14.000 € brut par an et par bénéficiaire - versés aux quatre administrateurs membres de ce bureau, dans le cadre de missions pour lesquelles ils perçoivent déjà des rémunérations complémentaires relativement conséquentes.
Des rémunérations contestables exclusivement payées au départ de dons ?
Dans une mise au point publiée par Le Soir (2 & 3 juin 2017), un représentant du Samusocial récuse toute accusation qui tendrait à faire de ce contentieux relatif aux jetons de présence une affaire de mauvaise gestion de l’argent public.
Et de rappeler que si les ressources du Samusocial proviennent à hauteur de 98% de subventions, elles sont par ailleurs complétées à hauteur de 2% par des dons issus de la générosité publique.
La Libre Belgique du 2 juin dernier indiquait qu'en conséquence l'opposition Ecolo demandait que la comptablité analytique de l'ASBL soit communiquée afin de vérifier que ce sont bien des revenus propres (des dons) et non des subsides qui servent à payer ces jetons de présence.
De nombreux médias se sont fait l'écho des nouvelles justifications présentées le mardi 6 juin par Pascale Peraïta, directrice du CPAS de la Ville de Bruxelles, lors du dernier conseil communal.
Pascale Peraïta (PS) indiqua cette fois que les rémunérations des membres du Conseil d’administration du Samusocial avaient été payées non pas par des contributions émanant de particuliers ou d'entreprises - comme cela avait été affirmé précédemment - mais par des "dons permanents".
La Libre Belgique notait dans son édition en ligne du 7 juin que "à l’heure de boucler ces lignes, la lumière n’était pas encore venue éclairer cette notion comptable d’un genre nouveau."
Une communication de crise fort mal gérée
Dans une interview au quotidien Le Soir (jeudi 8 juin) le bourgmestre, par ailleurs administrateur du Samusocial, reconnait que les explications avancées quelques jours auparavant par la directrice du C.P.A.S. de Bruxelles sont une erreur de communication:
"Je pense qu'ils ont voulu à tout prix démontrer que l'argent public - la majorité du budget du Samu - allait intégralement à la mission sociale, alors ils ont dit que les émoluments, eux, venaient des dons privés...
C'est une erreur. Ce n'est pas comme ça que ça se passe. L'argent public va intégralement aux missions. (...)"
Yvan Mayeur précise plus loin: "Donc, pour l'argent public, c'est la transparence. Quant aux dons privés: les dons des particuliers vont intégralement et exclusivement aux missions sociales de terrain pour les sans-abri. Même chose pour les dons des entreprises, qui sont "justifiés" auprès des sociétés comme auprès des pouvoirs publics.
Une réponse maladroite <de la directrice du C.P.A.S.> au départ a provoqué tous les amalgames."
Cette nouvelle justification se veut apaisante tant à à l'égard des pouvoirs subsidiants que des donateurs privés, mais parait quelque peu démagogique.
Elle présente en effet quelques similitudes avec la communication 'langue-de-bois' pratiquée par certaines associations qui n'osent pas reconnaître qu'une partie des dons doit nécessairement pouvoir affectée aux frais de collecte ainsi qu'à d'indispensables coûts de coordination - et notamment de rémunération - de l'organisation.
Le bourgmestre de la ville de Bruxelles et la directice du C.P.A.S. remirent leur démission en fin de journée.
Une polémique désastreuse pour la confiance des donateurs
Le Samusocial avait mis en place un dispositif conséquent (lien) en collecte de fonds.
L'association avait mobilisé la générosité de particuliers et d'entreprises (lien) pour un montant annuel de 180.000 € (année 2016).
L'actuelle polémique en a bien évidemment découragé nombre de sympathisants de l'association.
Les représentants du Samusocial ont dès à présent été contactés par des donateurs qui entendent mettre fin à leur soutien par domiciliation.
Plus grave encore, il n'est pas exclu que la forte médiatisation de ce contentieux alimente un sentiment de suspicion auprès de donateurs d'autres associations également engagées dans des projets en faveur de personnes sans abri, bien que ces structures soient régies par une politique de rémunération équitable et transparente.
Des précédents
D’aucuns se souviendront de ce que la gestion du Samusocial avait déjà été mise en cause par différents médias en 2013, cette fois du fait de la rémunération jugée fort élevée de Pascale Peraïta, qui dirigeait l'asbl à cette époque.