Les motivations fiscales peuvent se révéler contre-productives
Le Fundraizine n°58 de l’Association française des Fundraisers consacre un intéressant dossier ‘Fiscalité’ à l’analyse des causes qui ont entrainé une diminution désastreuse (entre -10 et -15%) des dons sur l’année 2018.
1954-2017: augmentation exceptionnelle des incitants fiscaux
Instauré en 1954, le dispositif français en matière de déduction fiscale des dons était limité au départ à 0,5% du revenu imposable.
Il a ensuite progressé par paliers successifs, atteignant 1% en 1975, 5% en 1984 et 40% en 1990.
L’amendement Coluche augmenta ce taux dès 1991 pour les organismes d’aide aux personnes en difficulté.
La « loi Argaillon » offrit une réduction d’impôt de 60% à partir de 2003.
Cette mesure, qui fut ensuite portée à 66%, contribua à une relance de la générosité des particuliers et des entreprises.
Enfin, sous l’ère Sarkozy, la loi dite « Tepa » offrit en 2007 une réduction de 75% aux contribuables assujettis à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF).
Mais voilà que de nouvelles mesures fiscales ont été mises en oeuvre sous la Présidence Macron, dont les effets indirects ont pesé de manière décisive dans diminution sensible des dons sur l’année 2018.
En cause, la hausse de la CSG pour les retraités qui a suscité un climat d'inquiétude auprès des donateurs aux revenus modestes, ainsi que la suppression de l’ISF (Imp$ôt sur le Fortune) sur les valeurs mobilières qui a freiné la générosité des donateurs plus aisés.
Les auteurs de l'article s'interrogent: le secteur du fundraising se serait-il de lui-même rendu trop dépendant du bon vouloir du Ministère des Finances ?
Différentes personnalités soulignent l'impact négatif des dernières mesures fiscales, tout en pointant d'autres causes de caractère plus structurel.
Frédéric Théret, directeur du Développement de la Fondation de France, reconnait qu'à l'évidence la suppression de l’ISF amène nombre de donateurs à estimer qu’ils n’ont plus de raison de donner.
Pour Antoine Vaccaro, Président de Faircom International et du Cerphi, la générosité a longtemps été encouragée par la force d’indignation d’icônes associatives qui promettaient de changer le monde : « Et puis nous n’avons pas sauvé le monde et progressivement le discours a glissé vers ‘on fait ce qu’on peut’ assorti d’un levier fiscal de plus en plus puissant pour compenser. »
Arthur Gauthier, directeur exécutif de la chaire Philanthropie de l’Essec estime que l’argument fiscal a été utilisé à fond concernant les donateurs les plus fortunés dont le comportement fut principalement opportuniste, lié à la réduction d’impôt.
Pour Yaële Afériat, directrice de l’Association Française des Fundraisers, on aurait tort de lier la baisse des dons uniquement aux effets de ces mesures fiscales.
D'autres facteurs interviennent, telle la lassitude de donateurs aux faibles revenus, lassés par le brouhaha généré par les appels pressants de nombreuses associations.
Antoine Vaccaro est d'avis qu'un nombre croissant de donateurs ne veulent plus financer une marque institutionnelle, mais un projet.
Nous sommes à l’ère du 'faire soi-même' : « Les associations vont devoir ouvrir leurs portes pour les laisser mettre la main à la pâte. »
La crise de la générosité des français amène certains acteurs de la collecte, et notamment les associations membres de France Générosités, à s'engager concrètement sur une réflexion en profondeur concernant les aspirations nouvelles des donateurs.
Source:
Fundraizine N°58 – Revue trimestrielle de l’Association Française des Fundraisers – Dossier ‘Fiscalité – Sortir des rouages rouillés’ (p.14-18)