La réglementation européenne RGPD impose un devoir de vigilance aux entreprises - et bien évidemment aux associations - concernant l’usage inapproprié, par des tiers, des données personnelles de leurs usagers.
Cette exigence peut inciter certaines associations à prendre leur distance par rapport à Facebook, et notamment à fermer le compte Facebook qu’elles avaient mis en ligne dans le cadre de leurs activités de sensibilisation ou de collecte de fonds.
Pas moins de 30.000 néerlandais ont clôturé leur compte, dans le cadre de la campagne Bye Bye Facebook actuellement en cours aux Pays-Bas.
Mais pour Jacqueline Kronenburg, conseillère en communication auprès de diverses associations néerlandaises, le secteur associatif – et plus particulièrement les petites associations actives en levée de fonds – n’ont nullement intérêt à rejoindre ce mouvement.
Lire ‘Facebook verlaten dupeert goede doelen’ – Opinie, in Trouw (11/04/2018)
Elle rappelle qu’à l’heure ou la règlementation RGPD risque de restreindre les possibilités d’exploitation de fichiers d’adresse, les associations ne peuvent se payer le luxe de renoncer à exploiter les possibilités offertes par les réseaux sociaux en matière de sensibilisation et de prospection de nouveaux publics.
Le mouvement de désaffiliation de Facebook que certaines petites organisations sont tentées de rejoindre aurait pour principal effet de les affaiblir davantage, alors que les grands acteurs de la collecte continuent se renforcer.
Même son de cloche au Royaume-Uni.
Une récente contribution de Mike Buonaiuto, directeur de l’agence Shape History, relève que les associations auraient tort de prendre le risque de boycotter l’outil Facebook, malgré les questions éthiques qu’elles soulèvent fort légitimement, suite notamment au scandale Cambridge Analytica.
-> Lire ‘How the third sector should respond to Facebook’s data leak’, in Charity Digital News (05/04/2018)
Un point de vue comparable est proposé par Kisty Marrins, consultante en communication digitale et administrateur de la Small Charities Coalition.
-> Lire ‘How do you solve a problem like Facebook ?’ in Third Sector
Tous deux doutent de l’efficacité réelle des campagnes de désinscription lancées au Royaume-Uni (#DeleteFacebook et #BoycottFacebook).
Dès lors que Facebook est avant tout dépendant de ses revenus publicitaires, c’est davantage grâce au poids et à l’influence décisive des plus grands annonceurs – et par exemple de la fédération britannique des annonceurs (ISBA) – que la société de Marc Zuckerberg sera forcée de réviser son mode de fonctionnement.
Kisty Marrins note par ailleurs que le lancement de l’option gratuite ‘Facebook Donate’ ne relève pas d’un geste philanthropique dénué de toute visée commerciale.
Il est probable que la société de Marc Zuckerberg espère accélérer grâce à cette offre sa pénétration sur un marché des 1,5 million d’organisations caritatives, en vue d'atteindre leurs très nombreux donateurs et adhérents.
Mais l’option ‘Facebook Donate’ risque tôt ou tard de devenir payante.
Elle constate également que société de Marc Zuckerberg n’offre guère de publicité gratuite (« ad grants ») aux associations caritatives, au contraire de Google dont le programme « Google Adwords » offre des possibilités d'annonces gratuites aux organisations d'intérêt général.
-> Autres articles en lien avec l'actualité belge de la collecte de fonds.
Experts du fundraising, mais aussi de la communication, du web ou du management, philanthropes, mécènes, personnalités de France et d’ailleurs seront présents au prochain séminaire de l'Association Française des Fundraisers.
Que vous soyez débutants ou experts en fundraising, vous trouverez forcément des sessions dédiées à votre niveau et à vos problématiques. Nous vous attendons nombreux pour vivre ensemble ces trois journées d’échanges, d’apprentissage et de réflexion qui ne manqueront pas, comme chaque année, de vous étonner et de vous inspirer !
La 17ème édition du séminaire dédié à la collecte de fonds et au mécénat aura lieu à Paris les 26, 27 et 28 juin 2018 !
Pour plus d'infos: Séminaire francophone de la collecte de fonds
Le Fundraisers Forum propose différents documents susceptibles de facilité la mise en conformité RGPD dans le cadre d'activités en collecte de fonds:
- un guide disponible en versions FR ou NL (confer sommaire ci-dessous)
- diverses annexes (confer sommaire ci-dessous)
- une Newsletter mensuelle 'RGPD en collecte de fonds', (éditée de février à juillet 2018).
Le Toolkit (guide, annexes et Newsletter) vous sont proposés au prix de 45€, et transmis endéans les 48 heures après enregistrement de votre commande au travers de ce formulaire.
Cette seconde section présente diverses obligations qui ne concernent le plus souvent que les plus grands acteurs de la collecte.
Edited by the Institute of Fundraising (IoF) – (extracts)
Author: Tim Turner (extracts)
Summary of the Notes
15 mars 2018 - Nombre d’associations actives en levée de fonds s'efforcent de se mettre progressivement en conformité par rapport aux exigences de la RGPD (Règlement Général européen sur la Protection des Données), qui entre en vigueur le 25 Mai prochain.
La nouvelle législation les oblige notamment à justifier sur quelle base légale elles justifient leurs traitements, et notamment les mailings et autres communications adressés aux donateurs.
Différentes instances se sont prononcées dans un premier temps en faveur d’un recours assez systématique au ‘consentement explicite des usagers’ comme fondement légal des traitements de données personnelles.
Cela signifie toutefois dans pareil cas que l’envoi de mailings est toujours subordonné au consentement explicite des donateurs.
Or la RGPD permet également de recourir dans bon nombre de cas à une justification sur base de ‘l’intérêt légitime de l’association’, qui n’exige pas que le consentement des donateurs ait été préalablement enregistré.
Plusieurs arguments plaident en faveur d'un recours assez systématique au consentement explicite des usagers:
- Ce système correspond à ce qu’une majorité de donateurs souhaiteraient probablement, comme l'ont confirmé divers sondages britanniques.
- Nombre de juristes rappellent que cette option présente l’avantage d’être légalement inattaquable, alors que la justification basée sur l’intérêt légitime de l’organisation ne peut s’appliquer en toutes circonstances.
Au Royaume-Uni l’Institute of Fundraising (IoF) semblait dans un premier temps suggérer à ses membres d’accorder si possible leur préférence à l’option ‘consentement explicite’.
Plusieurs organisations britanniques, au nombre desquelles la RNLI (Royal National Lifeboat Institution), Cancer Research UK et Rethink Mental Illness ont à cette époque même choisi d’interrompre leur communication aux donateurs, tant actifs qu'inactifs, qui ne confirmeraient pas leur accord explicite concernant le maintien des appels au don et d'autres supports d'information.
Ce choix radical obligea ces associations à mettre en place de coûteuses campagnes de promotion de l’opt-in, notamment au travers de clips-vidéo.
Cela entraina une diminution significative des recettes de la RNLI.
L'association se disait cependant satisfaite d’avoir obtenu, au terme d'une campagne 'opt-in' qui s'échelonna sur 13 mois, d'avoir enregistré une réaction positive de plus de 500.000 de leurs donateurs.
D'autres organisations, telle la Croix-Rouge britannique, ont choisi de ne demander l'accord explicite de leurs donateurs que dans le cas de certains traitements, tel que la prise de contacts par télémarketing.
De nombreux experts britanniques prennent à présent leurs distances par rapport au principe d’un recours généralisé au consentement explicite des usagers.
Ils préfèrent le limiter à un nombre restreint de traitements pour lesquels la RGPD exige indiscutablement l’accord préalable des personnes concernées.
Ce revirement se reflète notamment dans les témoignages recueillis par Hugh Radojev, et dont il rend compte dans le dossier ‘Countdown to GDPR’ du Fundraising Magazine (March 2018, pages 10-13):
« According to David Fluskey, who has become the IoF’s data protection expert over recent months, both the Fundraisers Regulator and the Information Commissioner’s Office have been quite clear in saying that consent isn’t better than legitimate interest, or vice-versa, in the law.
Both are an equally lawful basis for contacting people through direct marketing.
It’s about charities making a decision about which to use, and doing that on the basis of what is going to ensure the best relationship with their supporters and held them raise the most amount of money.
Serena Tierney, partner and data protection expert with law firm VWF, warns charities against relying solely on consent when it comes to processing data.
She says that under the current Privacy and e-Commerce Regulations (PECR), charities already have to get consent from supporters to contact them either through email or SMS, but that consent is a “rubbish” basis on which to process data for wider marketing and fundraising purposes”.
En dehors du secteur non-marchand, BPost et nombre d'entreprises commerciales actives en direct marketing justifient autant que possible le fondement de leurs mailings sur base de l'intérêt légitime de l'organisation.
Nombre d'associations actives en collecte de fonds choisiront probablement cette même justification légale, du moins pour ce qui concerne l'ensemble des donateurs actifs qui sont déjà répertoriés dans leur base de données avant le 25 Mai prochain, date de mise en application effective de la RGPD.
24 février 2018 - Oxfam UK a été fondée en 1942, à Oxford, pour venir en aide à la population grecque, victime à cette époque de bombardements meurtriers.
Devenue la cinquième plus grande association britannique, elle reçoit environ 338 millions d’euros par an de fonds gouvernementaux britanniques et de donations publiques.
Le nom d’Oxfam a été fort médiatisé durant les premières semaines de février dans le cadre de reportages qui ont permis au public de se rendre compte qu'en définitive la plupart des grandes agences humanitaires sont parfois impliquées dans des affaires d’abus sexuels à l'initiative de certains membres de leur personnel.
Les médias belges - et notamment la presse francophone - n'ont que partiellement rendu compte des débats soulevés par le reportage publié le 9 février dernier par le quotidien The Times.
Nombre de journalistes auront peut-être estimé que la polémique concernant des faits datant de 2011 tendait à être démesurément sur-médiatisée.
Nous proposons ci-dessous une revue de presse nécessairement partiale et incomplète, qui liste divers constats et commentaires significatifs publiés à l’initiative de médias belges et étrangers.
L’emballement médiatique des dernières semaines trouve son origine dans un reportage du quotidien The Times, publié le 9 février dernier, faisant état d’incidents graves qui se sont déroulés en 2011 à Haïti, concernant des comportements jugés inadmissibles à charge de divers membres de l'équipe d'Oxfam.
The Times (09/02/2018) - 'Oxfam in Haiti - It was like a Caligula orgy with prostitutes in Oxfam T-shirts’ (Sean O’Neill, Chief Reporter) (lien)
Le ton virulant du reportage publié par le Times s’explique peut-être par le positionnement politique de ce quotidien dont le Courrier International rappelle qu’il reflète volontiers les vues très conservatrices de Robert Murdoch, son propriétaire depuis 1981.
Une enquête avait été diligentée dès cette époque en Haïti à l’initiative d’Oxfam UK, qui en avait transmis les conclusions dès le mois d'août 2011 à la Charity Commission, principale instance britannique de contrôle des organisations caritatives, ainsi qu'au Département de la Coopération (DFID).
La Charity Commission, connue des britanniques pour sa mission de "charity watchdog ” déclare à présent, suite à la publication du reportage du Times, n’avoir été que partiellement informée à l’époque par Oxfam: “Our approach to this matter would have been different had the full details that have been reported been disclosed to us at the time.”
Il semble évident que l'ONG fit preuve d'une extrème mansuétude envers le responsable de ses programmes en Haïti, dont le comportement avait déjà été précédemment mis en cause lors d'une mission au Tchad.
Bien qu'il ait été impliqué par deux fois dans des pratiques mèlant travail humanitaire et recours à des prostituées, Oxfam accepta de mettre fin à son engagement en Haïti au travers d'une démission volontaire plutôt qu'un licenciement, et lui délivra une recommandation qui facilita ensuite son recrutement en 2015 par l’ONG Mercy Corps.
D’autres ONG se sont également plaintes ne pas avoir été informées par Oxfam de fautes à charge de cette personne.
Si certains soulignent l'effort partiel de transparence dont Oxfam aurait fait preuve dès août 2011, d'aucuns rappellent que le communiqué de presse publié à l'époque par l'ONG avait passé sous silence le recours aux prostituées qui avait justifié le licenciement par l’ONG de six membres de l’équipe déployée en Haïti.
Les témoignages recueillis par le Times donnent à penser qu'Oxfam s'est efforcé d'éviter que la réalité des abus sexuels à charge de ses équipes soit connue du grand public.
Une culture du silence a été volontairement entretenue, probablement afin de préserver la bonne réputation de l'ONG au moment où ses appels à la générosité publique avaient permis à l'organisation de collecter quelque 98 millions de dollars en faveur des victimes du tremblement de terre en Haïti.
Mark Goldring, actuel directeur général d’Oxfam UK, reconnaissait implicitement il y a quelques jours sur la BBC (Radio 4) que la communication de l’ONG avait été pour le moins cadenassée “With hindsight, I would much prefer that we had talked about sexual misconduct, but I don’t think it was in anyone’s best interest to be describing the details of the behaviour in a way that was actually going to draw extreme attention to it.”
Le malaise concernant la manière dont Oxfam donna suite à l'enquête menée par l'ONG en 2011 s’est trouvé renforcé par le témoignage de Helen Evans, qui dirigea la cellule ‘Safeguarding’ d’Oxfam entre 2012 en 2015, date à laquelle ses mises en garde répétées aboutirent à son licenciement.
Son témoignage sur la BBC (Channel 4) démontre, notamment au départ de copies d’emails, que la direction d’Oxfam n’a probablement pas fait preuve d’une grande vigilance suite aux conclusions inquiétantes d’un rapport interne faisant état de plusieurs dizaines de cas d’abus sexuels impliquant des employés d’Oxfam.
Les tentatives de Helen Evans visant à alerter la Charity Commission n’ont, à son point de vue, été prises en compte que très tardivement.
Lire:
- BBC (Channel Four): ‘Oxfam whistleblower: Allegations of rape and sex in exchange for aid’ (12/02/2018) (lien)
- Civil Society – ‘Whistleblower says Oxfam and the Charity Commission ignored’ (13/02/2017) (lien)
Différents médias se sont indignés de ce que le directeur d’Oxfam UK tente maladroitement, dans une récente interview donnée au Guardian, de relativiser la gravité des faits à charge de l’ONG: ‘‘It’s not like we were murdering babies."
Lire
- The Guardian – ‘Oxfam chief accuses critics of 'gunning' for charity over Haiti sex scandal claims’ (16/02/2018) (lien)
- The Sun - 'Fury as Oxfam GB head claims charity’s sex scandal has been ‘blown out of all proportion’ (lien)
Les débats suscités par le reportage du Times ont amené d’autres organisations humanitaires à reconnaître au cours des deux dernières semaines qu’elles sont également confrontées à des plaintes concernant soit le personnel de terrain soit tel ou tel membre de leur direction.
Save The Children a admis que Justin Forsyth, CEO de l’ONG, avait été confronté à plusieurs plaintes enregistrées entre 2011 et 2015, notamment liées à un comportement qualifié de 'toxique' et à l'envoi de messages par sms au contenu inapproprié.
Save the Children admet aujourd'hui n'avoir pas suffisamment pris en compte les plaintes de son personnel.
Justin Forsyth a poursuivi sa carrière humanitaire en qualité de sous-directeur (Deputy Executive Director) d'Unicef, dont la direction ignorait ces antécédents.
Il a préféré démissionner de ce poste le 22 février dernier, comme l'indique un bref communiqué de cette ONG.
Lire:
- BBC - 'Ex-Save the Children worker describes Forsyth leadership' (23/02/2018) (lien)
- The Guardian - 'Save the Children apologises to female employees over ex-boss' (20/02/2018) (lien)
- BBC - Complaint against charity boss Justin Forsyth 'was formal' (23/02/2018) (lien)
Les grandes agences humanitaires comptent plusieurs milliers de collaborateurs de nationalités diverses, répartis sur de nombreux pays.
Il est dès lors statistiquement inévitable qu'elles soient confrontées à des cas d'abus d'ordre sexuel ou autre, à charge de leur personnel.
Médecins sans Frontières a indiqué spontanément avoir été confronté en 2017 à 24 cas de plaintes, qui ont entrainé 19 licenciements.
Plan International et le Comité International de la Croix-Rouge (ICRC) ont également admis avoir traité respectivement six et vingt dossiers liés à des abus sexuels, sur une période de 12 mois.
Lire:
- Plan International – 'Our Commitment to stamp out abuse and exploitation' (21/02/2018) (lien)
- ICRC - 'Taking action to prevent and address staff sexual misconduct' (23/02/2018) (lien)
D’autres organisations - tel Save the Children, World Vision, Mercy Corps, ActionAid, le Norwegian Refugee Council et plusieurs agences humanitaires dépendant des Nations-Unis - ont également admis au cours des dernières semaines avoir être régulièrement confrontées à des cas similaires.
Lire:
- Le Monde - 'Oxfam, Médecins sans frontières, la Croix-Rouge… Les ONG confrontées à des scandales sexuels' (24/02/2018) (lien)
- The Guardian – ‘Sexual harassment and assault rife at United Nations, staff claim’ (18/02/2018) (lien)
Il n'est donc guère étonnant que des journalistes déjà précédemment connus pour le regard critique qu'ils portent sur le travail des agences humanitaires se soient cette fois encore empressés de dénoncer, parfois sans nuance, les défaillances de nombreuses organisations humanitaires.
C’est le cas de Linda Polman, auteur de ‘War Games: The Story of Aid and War in Modern Times’ (Penguin, 2011) (lien)
Lire:
- CNN 'Oxfam's sex scandal won't surprise anyone who has worked in a war zone' (12/02/2018) (lien)
- De Morgen (14/02/2018) – Linda Polman "Overdag kindsoldaatjes helpen, 's avonds kindhoertjes op schoot" (14/02/2018) (lien)
Le jugement de l’agence NGO Monitor est également sévère:
NGO Monitor – ‘Protecting Reputation and Abusers, Not Victims: Analysis of Oxfam’s “Investigation Report” on Sexual Misconduct in Haiti’ (20/02/2018) (lien)
Mais différents experts directement impliqués dans l’action humanitaire ont regretté que la tempête médiatique initiée début février par le Times se focalise durablement sur Oxfam, alors que le personnel de nombreuses autres structures actives dans l’assistance aux populations en détresse a tout aussi souvent été impliqué dans des comportements abusifs.
Lire: The Independent – Andrew MacLeod (article publié initialement le 30/09/2017, et mis à jour le 13/02/2018) – ‘The scale of sex abuse at the hands of UN workers could be huge. The shocking fact is paedophiles target aid organisations.’ (lien)
D’autres jugent qu’Oxfam ne mérite guère d’être à ce point ostracisé pour la manière dont l’ONG a géré les comportements abusifs de l’équipe qu’elle avait déployée en Haïti, mais que des leçons doivent être tirées de la manière dont cette crise a été gérée.
Lire: Civil Society – ‘Gareth Jones - Three key lessons from the Oxfam scandal’ (15/02/2018) (lien)
David Ainsworth, rédacteur en chef de Civil Society News, est d'avis que la violence des attaques injustement proférées à l'encontre d'Oxfam tient pour partie au positionnement radical adopté par l'ONG.
Il rappelle qu'Oxfam se profile volontiers comme chevalier blanc des luttes conre les inégalités sociales, alors que cette ONG dispose de ressources financières conséquentes et est dirigée par un CEO qui bénéficie d'une rémunération comfortable: "A £400m organisation, led by a man earning £130,000 a year, has to be very careful when discussing poverty, and I’m not sure Oxfam has shown due care."
Lire: Civil Society News - 'David Ainsworth: The witch hunt against Oxfam is not the real issue' (19/02/2018) (lien)
Pour Pierre Micheletti, chercheur à l'IETde Grenoble, l’action des ONG ne doit pas être caricaturée.
Mais il est vrai qu'au mouvement humanitaire est attachée une forte dimension symbolique idéalisée, et cet idéal symbolique est forcément mis à mal par les révélations publiées par divers médias.
Lire: Libération - Tribune (Pierre Micheletti) - 'La confiance dans l’humanitaire ne doit pas s’effondrer après Oxfam' (22/02/2018) (lien)
Peu de médias se font l'écho d'une recherche indépendante, publiée en 2017, qui tend à démontrer qu’Oxfam a considérablement renforcé ses mécanismes de contrôle interne au lendemain des abus constatés en 2011, au point de figurer à présent parmi les ONG les plus vigilantes concernant cette question.
Tel est du moins le point de vue proposé Dyan Mazurana, associate research professor à la Tufts University, au terme d'une recherche dont le rapport final a été publiée par le Feinstein International Center (Tufts University).
Son plaidoyer fit l'objet d'une interview diffusée il y a quelques jours par la VRT.
Lire:
- Feinstein International Center - 'STOP the Sexual Assault against Humanitarian and Development Aid Workers' report, by Dyan Mazurana, PhD, and Phoebe Donnelly - Chapter 8: Best practice: Oxfam Global (72 pages, 2017) (lien)
- World Peace Foundation – Dyan Mazurana ‘Is Oxfam the Worst or the Best?’ (20/02/2018) (lien)
Le Journal du Dimanche rapporte le témoignage de Megan Norbert, ancienne travailleuse humanitaire victime de viol au Soudan du Sud, qui a fondé l'organisation Report the Abuse, et a collecté des données et des témoignages de plus de 1200 travailleurs humanitaires.
Lire: Journal du Dimanche - 'Scandales sexuels : révélations en chaîne dans le secteur humanitaire' (15/02/2018) (lien)
Megan Robert constate que l'authentique effort de transparence d'Oxfam lui vaut d'être en conséquence pénalisé par d’importants bailleurs de dons qui, tel le gouvernement suédois, ont annoncé le gel de leur soutien financier.
Elle craint que pareilles sanctions financières aient en conséquence, de par leur caractère disproportionné, pour effet d'inciter certaines ONG à ne plus faire preuve de transparence.
Lire: The Guardian – ‘Shamed and fearful, Oxfam stumbles into the unknown’ (18/02/2018) (lien)
Un article du quotidien néerlandais Trouw rappelle que Save the Children a publié plusieurs rapports qui démontrent combien les populations déplacées, et notamment les femmes et les enfants, sont souvent victimes d'abus perpétrés par des agents intervenants dans le cadre d'interventions militaires ou civiles.
Pour Tjipke Bergsma, directeur de l'agence néerlandaise War Child, le nombre croissant de populations déplacées fait craindre une augmentation des cas d'abus, d'autant que les agences humanitaires actives sur le terrain n'ont pas bénéficié d'une croissance significative de leurs moyens d'action.
Lire: Trouw - 'Geen hulporganisatie is immuun voor misbruik' (15/02/2018) (lien)
On notera enfin la prise de position étonnante de Dirk Draulans, journaliste de l'hebdomadaire Knack, dont la prise de position lors d’un débat télévisé (VRT – 'De Afspraak’, 20/02/2018) a semblé banaliser le recours aux prostituées, une pratique que le journaliste situe au nombre des loisirs habituels que des militaires belges en mission en Afrique de même que des travailleurs humanitaires s'offrent et devraient pouvoir s’offrir : « Ontspanning moet kunnen ».
Lire: De Morgen - Dirk Draulans snapt Oxfam-storm niet: "Die mensen moeten zich toch ook kunnen amuseren?" (20/02/2018) (lien)
Les nombreux abus dont l'existence a été confirmée par diverses sources illustrent la relative inefficacité des Codes de Conduite, tel le Core Humanitarian Standard, auxquels la plupart des acteurs humanitaires, dont bien évidemment Oxfam, ont souscrit.
Lire: ‘Core Humanitarian Standard - Judith F. Greenwood - ‘Never has it been more important to apply the Core Humanitarian Standard’ (21/02/2018) (lien)
La Belgique compte plusieurs plateformes représentatives des organisations de solidarité Nord-Sud : ACODEV et CNCD 11.11.11 du côté francophone, NGO-Federatie et 11.11.11 du côté néerlandophone.
Plusieurs d'entre elles ont indiqué souhaiter un renforcement des dispositions susceptibles de prévenir les pratiques abusives dénoncées au cours des dernières semaines :
Lire:
- CNCD - ‘Révélations sur des actes d’abus. Le CNCD-11.11.11 condamne’ (23/02/2018) (lien)
- Acodev & NGO federatie - 'Révélations sur les actes d'abus: les fédérations partagent la position de la confédération d'ONG européennes CONCORD' (21/02/2018) (lien)
Bogdan Vanden Berghe, directeur van de la plateforme sectorielle néerlandophone 11.11.11, rappelle toutefois que les organisations humanitaires sont, à raison, déjà soumises à de nombreuses évaluations, contrôles et screenings.
Il faut donc savoir raison garder: "Op een gegeven moment moeten we ons ook afvragen of de slinger niet dreigt door te slaan. Hoeveel mensen en middelen gaan er intussen naar het controleren van de middelen?’"
Et de reconnaître que le professionalisme des équipes et la présence de mécanismes de contrôle ne met pas pour autant le secteur humanitaire à l'abri de projets qui se révèlent parfois, à terme, improductifs et inefficaces.
Lire: De Tijd - 'Helpt hulp wel?' (17/02/2018) (lien)
Les plateformes nationales d’ONG de plusieurs pays européens disposent d'un Code de conduite, tel par exemple le ‘Partos Gedragscode’ auquel les organisations néerlandaises de solidarité internationale membres de Partos ont souscrit.
Bart Romijn, directeur de la plateforme Partos, soulignait toutefois que ces Codes de Conduite nécessitent bien évidemment la mise en oeuvre de mesures complémentaires, notamment en formation des personnels envoyés en mission.
Il se prononce également en faveur de la désignation, dans tout pays concerné par une intervention humanitaire importante, d’un ombudsman indépendant qui aurait pour mission d'assurer le suivi nécessaire aux éventuelles plaintes enregistrées à l’encontre d’agents humanitaires.
Lire: De Dikke Blauwe – ‘Bart Romijn over Oxfam-schandaal: ‘integriteit belangrijker dan ooit’ (13/02/2018) (lien)
Bond, principale plateforme sectorielle des ONG britanniques engagées dans des programmes Nord-Sud, a également annoncé un renforcement des engagements auxquels les organisations membres de cette structure devront souscrire.
Lire: Bond – ‘Charities commit to taking better action on safeguarding’ (lien)
D'autres plateformes sectorielles britaniques, tel le NCVO qui regroupe 13.000 organisations caritatives, ont confirmé leur détermination à soutenir le renforcement de mesures destinées à protéger plus efficacement de potentielles victimes d’abus imputables au personnel d’agences humanitaires.
NCVO – ‘Oxfam and Haïti: next steps for charities’ (11-26/02/2018): Part 1 (lien), Part 2 (lien), Part 3 (lien)
L'efficacité de dispositions plus restrictives nécessite forcément qu'elles soient mises en oeuvre au plan international, comme le propose la plateforme CONCORD Europe, qui représente plusieurs centaines d’ONG établies sur le territoire de l’Union européenne.
Lire: CONCORD Europe - 'CONCORD’s reaction to reports of sexual exploitation and abuse by NGO staff' (13/02/2018) (lien)
Les Ministres en charge de la Coopération au développement de différents pays européens se sont prononcés en faveur d’une révision, pour l’ensemble des ONG subsidiées par leurs services, des procédures qui se sont avérées défaillantes dans le cas d’Oxfam.
Mais à l’inverse du Ministre britannique en charge du Département DFID, ou de son collègue suédois, qui se sont prononcés en faveur d’un gel provisoire des subsides en faveur d’Oxfam, les autorités d’autres pays européens ont souhaité éviter de s’engager dans ce qu'Alexander De Croo (Open VLD), Ministre en charge de la coopération belge, qualifie de "chasse aux sorcières".
Ce dernier préfère s'en tenir aux conclusions de l'investigation mise en oeuvre il y a plus d'un an par son Département en collaboration avec la société Deloitte.
Ce screening a eu pour effet de réduire de 97 à 74 le nombre d’ONG subsidiées sur base pluri-annuelle par la Coopération belge.
Oxfam UK a reconnu la perte de 7.000 donateurs affiliés par voie de domiciliation, ce qui représenterait 3,5 % des contributions émanant de cette catégorie d'adhérents.
Un sondage Guardian/ICM indiquait qu’au moment où le scandale Oxfam était à la une de l’actualité, 52% des donateurs britanniques s’estimaient tentés de diminuer leur générosité en faveur de causes humanitaires.
Aux Pays-Bas Oxfam Novib a enregistré la défection de 1.700 donateurs, soit 0,5% des 300.000 adhérents de l'ONG.
Quelque 350 donateurs belges ont mis fin à leur domiciliation mensuelle (de 10 à 12€ par mois), alors que l’ONG belge compte quelque 150.000 donateurs.
Le CEO d'Oxfam UK a présenté à de nombreuses reprises ses excuses aux donateurs et adhérents de l'ONG.
De même Oxfam Belgique a pris l'initiative d'adresser un courrier à l'ensemble de ses sympathisants.
Quelque sept cent réactions lui sont parvenues en retour. Elles comprenaient une majorité de messages d’encouragement.
La désaffiliation brutale d’un petit nombre de donateurs est attribuée par le professeur René Bekkers (Center for Philanthropic Studies, Vrije Universiteit Amsterdam) à une forme de 'colère empathique'.
Lire : René Bekkers - ‘What Oxfam cancellations tells us about donor motivation’ (21/02/2018) (lien)
Le faible niveau de désaffiliation s'explique sans doute pour partie du fait que les grandes ONG qui, tel Oxfam, ont massivement investi dans des campagnes de recrutement de donateurs sur la voie publique – le ‘street fundraising’ – se sont constitués une importante base de donateurs mobilisés dans le cadre d'une domiciliation mensuelle.
Cette formule contribue probablement à freiner le taux de désaffiliation, même lorsque la réputation de l’ONG est fortement mise en cause, car elle nécessite que le donateur active lui-même une procédure d'annullation de son engagement financier mensuel.
Mais il se pourrait que le réseau international Oxfam, qui recourt dans différents pays à des agences commerciales de recrutement de donateurs sur la voie publique, peinera à mobiliser de nouveaux adhérents durant les prochains mois.
L'ONG a enregistré au plan international la défection de plusieurs Ambassadeurs, au nombre desquels le Prix Nobel Desmund Tutu.
Mais plusieurs personnalités belges qui soutiennent ou parrainent Oxfam depuis de nombreuses années, tel le Ministre d’Etat Elio Di Rupo et divers BV’s (Bekende Vlamingen), ont publiquement renouvelé leur confiance à l'égard de l'organisation humanitaire, malgré les erreurs significatives qu'elles dénoncent par ailleurs sans réserve.
Quelques instances representatives du secteur humanitaire ont jugé important de rappeler que le maintien d’un niveau élevé de confiance des donateurs oblige les ONG à faire preuve d’une totale transparence, y compris lorsqu’elles sont confrontées à des pratiques indiscutablement répréhensibles.
On notera la prise de position très claire du Président de la plateforme nationale Goede Doelen Nederland (GDN):
Lire:
- De Dikke Blauwe - Jan van Berkel (GDN) over Oxfam: 'Een beetje transparant bestaat niet' (16/02/2018) (lien)
- Débat sur BNR Radio ‘Integriteit van hulporganisaties’ (lien)
Clôturant cette revue de presse le 28/2/2018, on constatera que la mise en cause initiale d'Oxfam UK au départ d'un reportage du Times amène quelques semaines plus tard nombre d'ONG britanniques a présenter leurs regrets pour les déficiences significatives que l'ensemble du secteur humanitaire n'avait jusqu'à ce jour que trop partiellement prises en compte.
“We are truly sorry that at times our sector has failed. We must and will do better.”
Lire: BBC - Aid organisations 'truly sorry' for sector's failings' (24/02/2017) (lien)
Intervenant le 28 février dernier dans le cadre d'un séminaire de plateforme britannique BOND, le directeur général de Save the Children invita le secteur des ONG à ne plus pratiquer la politique de l'autruche:
"If we pretend we are not facing a crisis of trust in our sector we are delusional. If we pretend we are not facing systematic challenges that raise questions about our values as a community, about our ability to protect the people we are there to serve – our beneficiaries – we are burying our heads in the sand and we cannot afford to do that.”
Et de mettre en cause la culture interne des grandes agences humanitaires, tel que Save the Children, "that got too big and too confident, too exuberant and had too much belief in their own power, who refused to look at their own organisational cultures and what they were doing to people internally.
We cannot afford to repeat those mistakes.”
Lire: Civil Society - 'Aid sector must face up to the 'crisis of trust’, says Save the Children's CEO' (28/02/2018) (lien)
ADDENDUM (26/03/2018)
Belgique
On précisera qu'Oxfam Solidarité a publié en date du 15/03/2018 diverses informations relatives au suivi que l'ONG a donnée aux enqêtes en cours: 'Les coprésidentes de la Commission indépendante sur les comportements sexuels répréhensibles ont été nommées'.
Royaume-Uni
Les principales plateformes et ONG britanniques engagées dans des programmes de développement ont également rendu public leurs engagements concrets en termes de 'safeguarding standards'.
Lire: BOND - 'NGOs and government jointly commit to improving safeguarding standards' (lien)
Pays-Bas
Une Commission de la Chambre des Représentants a auditionné le 27 mars dernier des représentants de diverses ONG (Oxfam Novib, Save the Children, Rode Kruis, Artsen Zonder Grenzen, Cordaid).
Deux plateformes sectorielles (Partos et Dutch Relief Alliance), de même l'instance gouvernenementale de régulation de la collecte de fonds (Centraal Bureau Fondsenwerving) furent également auditionnées.
Ces différentes ONG, de même que les plateformes sectorielles et le Centraal Bureau Fondsenwerving ont toutes publiées des 'position paper' qui sont notamment consultables au départ de l'article référencé ci-dessous.
-> De Dikke Blauwe (27 mars 2018) - 'Hulpclubs spraken met Kamer over misstanden - CBF wil meldingsplicht' (lien)