‘La Philanthropie’, lecture utile pour les gestionnaires d'organisations à profit social, ainsi que les donateurs
Fondations, ONG et donateurs critiques sont confrontés aux questions
L’univers de la générosité comprend deux galaxies distinctes - les Fondations à vocation philanthropique et les organisations actives en levée de fonds - qui ne se rencontrent qu’assez rarement. Dommage, car l’expertise des uns pourrait sans nul doute inspirer l’action des autres.
Le livre ‘La philanthropie’, paru il y a quelques mois, est alimenté par deux auteurs qui peuvent se prévaloir d’un long parcours professionnel au service de la Fondation Roi Baudouin.
Sur quelles bases l’organisation que je soutiens justifie-t-elle le choix de ses options stratégiques ? Quelle est la crédibilité des critères utilisés pour la mesure de l’impact social des actions entreprises ? Bien qu’il s’adresse aux philanthropes et aux gestionnaires de Fondations, le contenu de ce bouquin propose des réflexions qui intéresseront également le monde des ONG ainsi que la nouvelle génération de donateurs 'bienveillants mais exigeants'.
Concepts, méthodes, approches : une très riche boîte-à-outils
La première partie de l’ouvrage explore les paradoxes et la complexité du paysage actuel de la philanthropie. Les auteurs s’appliquent à déconstruire les présupposés ou clichés traditionnels qui font référence à une philanthropie 'des riches', d’inspiration ‘américaine’, et surtout pratiquée par quelques privilégiés.
Brigitte Duvieusart et Luc Tayart de Borms – les deux auteurs du livre – constatent dans l’introduction à la seconde partie de l’ouvrage que les fondations redistributrices fonctionnent désormais de moins en moins, surtout en Europe, sur base du schéma traditionnel I give and I go, soit « Je donne et je continue ma route ».
Elles s'inquiètent bien plus qu'auparavent de l'impact des actions qu’elles financent. Un éternel sujet d’insatisfaction et parfois de tension dans le monde des fondations!
Les chapitres suivants décrivent, sous la forme d’une sorte de boîte-à-outils, les atouts et limites de différents types d’approches pratiquées par certaines fondations, et qui pourraient inspirer nombre d’autres organisations à profit social.
Difficile de résumer ici les divers concepts et recommandations concrètes suggérées par les auteurs : ne pas dicter le changement à partir du haut (‘top down’), tenir compte des forces en présence, coaliser les bonnes volontés, identifier clairement le type d’impact recherché, combiner les outils, tenir compte des motivations et des opportunités en termes d’incitants, etc.
Plusieurs modèles d’intervention ou théories du changement sont brièvement exposés dans l’ouvrage : la « conception créative » qui vise à allier compétences techniques et intuition, la « roue du changement de comportement » ainsi que différentes approches qui privilégient le recours aux méthodes participatives.
Les auteurs rendent compte de méthodes qui sont souvent privilégiées dans le cadre de projets pilotés par la Fondation Roi Baudouin : identifier clairement le type d’impact recherché, ne pas dicter le changement à partir du haut (‘top down’), évaluer correctement les forces en présence, coaliser les bonnes volontés, tenir compte des motivations et des opportunités en termes d’incitants, combiner les outils.
Leur plaidoyer fait également référence à d’autres valeurs ou attitudes : modestie, oser prendre des risques, accepter en conséquence l’éventualité d’échecs qu’il faut avoir le courage de reconnaître et d’analyser. Et de citer à ce propos l’aveu d’un célèbre anonyme : J’ai tellement appris de mes erreurs que j’envisage d’en faire encore quelques-unes.
Quelle stratégie, quels indicateurs ? Des questions susceptibles d’alimenter les débats lors de votre AG annuelle
D’aucuns estimeront que ces thématiques sont relativement éloignées des préoccupations immédiates des associations actives en collecte de fonds, et notamment de leurs nombreux donateurs.
Notons toutefois que le Code de conduite de la plateforme Récolte de fonds éthique (ex-AERF) demande désormais aux organisations actives en levée de fonds d’informer de manière plus précise les participants de leur AG annuelle à propos de l’impact réel des réalisations financées par la générosité de leurs donateurs.
-> Lire: 'Ethique de la collecte: l’AERF change de nom, le Code de conduite comprend des exigences supplémentaires' (lien)
De ce point de vue, bien que de nature un peu technique, la boîte-à-outil fournie par le livre ‘La philanthropie’ fournit un bel éventail de questions susceptibles d'alimenter les débats, par exemple lors de l'Assemblée générale des organisations actives en collecte de fonds.
Références
Brigitte Duvieusart et Luc Tayart de Borms – La Philanthropie, un regard européen (188p.) – ECONOMICA (ISBN 978-2-7178-7260-6)
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