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La vision du donateur belge sur l’éthique dans les récoltes de fonds

27 novembre 2016 - L’AERF a chargé une équipe de chercheurs de la KU Leuven (Professeur Tine Faseur et Professeur Tine De Bock) de réaliser une enquête qualitative consacrée au ressenti des donateurs par rapport à diverses pratiques de récolte de fonds.
Les principales conclusions de la recherche furent présentées le 24 novembre dernier à Bruxelles, lors du Congrès de l’AERF.
L'Association pour une Ethique dans la Récolte de Fonds célèbre cette année son 20ième anniversaire.

Les chercheurs de la KU Leuven ont regroupé les constatations tirées d'une série de dix-huit interviews réalisés auprès de donateurs - six francophones et douze néerlandophones - qui soutiennent une association depuis au moins trois ans.
Le protocole de questionnaire utilisé pour ces interviews avait tout d'abord été testé dans le cadre de trois ‘focus groups’ (2 NL, 1 FR).
Les réponses ont été regroupées autour de plusieurs concepts-clés qui semblent guider le donateur dans son appréciation du degré d’éthique des organisations actives en collecte de fonds: liberté de choix, dignité, authenticité, relation de longue durée, ciblage (choix des objectifs), équilibre.

Nous reprenons ci-dessous, pour chaque concept-clé, divers commentaires et exemples extraits de l'étude (traduction française provisoire) ou cités par le professeur Tine Faseur au cours de son exposé.

1 - Liberté de choix
Le donateur juge que sa liberté de choix doit être préservée.
Ainsi n'est-il par exemple guère acceptable que l’association utilise des méthodes de persuasion qui relèvent du ‘hard selling’, en sorte que le donateur soit fortement mis sous pression et ne se sente plus réellement libre de donner ou non.
De même, la liberté de choix du donateur n’est guère préservée si l'appel au don vise à lui donner l'impression qu'il est personnellement responsable de la situation dramatique de la victime. 
Le recours aux techniques manipulatoires exagérément « pushy », telle l’utilisation répétée du nom du donateur tout au long du message qui lui est adressé, doit donc être récusé.

2 - Dignité
Les atteintes à la dignité du donateur sont inacceptables.
Le donateur n’aime pas avoir l’impression qu’il est un produit à vendre, avant d’être un être humain.
Sa dignité n’est pas respectée si l’association le traite comme un numéro parmi tant d’autres, par exemple s’il ne reçoit guère de remerciement.
Il n’est pas moins tolérable que le message adressé au donateurs ait pour effet de mettre en cause la dignité des bénéficiaires. 

3 - Authenticité
Il importe qu’au travers de leurs activités de collecte de fonds les organisations paraissent fiables, crédibles et sincères. D'autant que c'est souvent la tonalité réellement authentique du message adressé au donateur qui l'incitera à donner.
Un message d'appel au don ne peut donc se contenter d'énumérer une série d'arguments simplistes, présentés sans nuance.
De même, le principe d’authenticité n’est pas davantage respecté dans le cadre des campagnes de recrutement de donateurs sur la voie publique (face to face), si le donateur est interpellé par un recruteur qui ne semble guère avoir intériorisé les valeurs de l’association qu'il représente.
Il est également question d'un manque d'authenticité lorsqu'une opération de collecte de fonds mise en oeuvre dans le cadre d'un show télévisé privilégie démesurément la dimension ‘show’.

4 - Relation de longue durée
Les activités en récolte de fonds doivent contribuer à favoriser l’établissement de relations durables, empreintes de confiance, entre les associations et leurs donateurs.
C’est pourquoi l’envoi fréquent de messages qui visent principalement à susciter un don impulsif, n’est pas acceptable.
C’est le cas de certains mailings qui privilégient le recours à des images cruelles ou choquantes, destinées à susciter un sentiment de profond malaise que le donateur est ensuite tenté d’évacuer en effectuant un don.

5 - Ciblage (choix des objectifs)
Le donateur souhaite se voir proposer des objectifs réalistes, car ils lui permettront de vraiment participer à un réel changement.
Il préfère souvent que l’association l'invite à s’engager dans une action à long terme, qui privilégie une approche structurelle des problèmes. 
Il importe par ailleurs que les objectifs proposés par l'association paraissent crédibles: il ne faudrait pas que le donateur ait le sentiment que l’association serait plus efficace si elle travaillait différemment.

6 - Equilibre
Le donateur recherche une position de sécurité et d’équilibre qui lui permet d’avoir le sentiment de contrôler sa vie. Cet équilibre s’atteint notamment au travers des différents choix qu’il est amené à faire, au niveau du ou des associations qu’il soutiendra, de la fréquence de ses dons, etc.
Il n'est guère acceptable que certaines pratiques en récolte de fonds cherchent délibérément à le faire sortir de cette zone de confort.
Ainsi, le recours trop fréquent à des messages relativement agressifs ainsi qu'à des images choquantes visent à déstabiliser le donateur, et donc à rompre cet équilibre.
De même, le donateur éprouvera un sentiment de malaise si - du fait d'un non-respect par l'association des règles en usage en matière de protection de la vie privée - il a l'impression de ne plus pouvoir maîtriser l'usage qui est fait de ses données personnelles. 

Conclusions
Les auteurs de la recherche ont bien évidemment constaté une hétérogénéité des réponses émanant des dix-huit donateurs interrogés.
Le rapport final de l’étude - dont la version officielle n'est disponible qu'en néerlandais - présente une analyse nettement plus nuancée des différents concepts-clés sommairement présentés dans cet article.
Il indique, pour chaque concept-clé, comment l'organisation concrète des activités en collecte de fonds peut impacter positivement ou négativement le degré de confiance du donateur vis-à-vis des associations qu’il soutient.
Exemples:

  • Contenu du message: est-il plus ou moins informatif, ou agressif, etc. ?
  • Canaux de contact (mailing, démarchage dans la rue, etc):
    Certaines formes de recrutement sur la voie publique, en rue ou en ‘door-to-door’, peuvent présenter des risques de démarchage trop persuasif, ou intrusif.
    Mais l'approche directe en rue ou en porte-à-porte peut à l’inverse permettre une meilleure interaction, facilitant de la sorte une relation de longue durée.
  • Gestion du fichier d’adresse des donateurs:
    Questions relatives à la vente ou l'échange de fichiers de donateurs: contraires à l’éthique relative à la protection de la vie privée, etc. ?
  • Rémunération des fundraisers:
    Risques liés aux modes de rémunération sur base de commissions (notamment en recrutement sur la voie publique), etc.
  • Utilisation des fonds collectés:
    Manque de transparence, dépenses démesurées en frais administratifs et de collecte de fonds, affectation des dons à autre-chose que ce qui est annoncé.
    L’audit et la certification des comptes sont importants.
  • Droit à l’information:
    La transparence est au coeur du concept d’authenticité.

Sources:

  • KU Leuven – 'Etude de la vision du donateur belge sur l’éthique dans les récoltes de fonds'
    'Onderzoek naar de visie van Belgische schenkers over ethiek in de fondsenwerving'
    Professeurs Tine Faseur & Tine De Bock - KU Leuven - Campus Brussel 
    Recherche réalisée à l’initiative de l'AERF - Novembre 2016
  • Site de l'AERF

-> Autre article concernant le Congrès de l'AERF (26-11-2016): 'Qui sera le syndicaliste de nos donateurs ?'

-> Liste des articles répertoriés sous Archives 2013-2016 - Ethique & Transparence

 

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