Les petites organisations auraient-elles mieux résisté au cours de la période 2020-2022 ?
Bilan de l’évolution des dons entre la période pré-Covid (2019) et l’année 2022
03/02/2024 - Tant au début de la crise Covid (2020) que lors de la flambée d’inflation en 2022 nombre d'associations ont craint que ces périodes difficiles aient un impact négatif sur la générosité des Belges. Diverses données statistiques nous permettent à présent de mesurer l'évolution des dons entre les années 2019 (année pré-Covid) et 2022.
1 – Comparatif 2019-2022 sur base des données fournies par le SPF Finances
Montant moyen d’une attestation : plus de 206 euros
Une analyse de la Fondation Donorinfo, réalisée sur base de données fournies par le SPF Finances, établit que le montant global des attestations fiscales délivrées aux donateurs a bénéficié en 2020 - en pleine crise Covid - d’une augmentation de 33% par rapport à 2019. Plus surprenant, ce record a été depuis lors maintenu et dépassé pour atteindre 515 millions euros en 2022.
Les statistiques du SPF Finances établissent donc que l’exceptionnel sursaut de générosité enregistré durant les années Covid (2019-2020) s’est donc prolongé au moins jusque fin 2022.
Près de 2,5 millions d’attestations fiscales sont délivrées chaque année. Mais attention, ce total comprend pour partie des entreprises bénéficiaires d'une attestation fiscale, ainsi que nombre de multi-donateurs qui reçoivent plusieurs attestations. Il serait donc faux de comparer le total des attestations avec le nombre de ménages que compte le pays (5,1 millions), et d'en déduire que 50% des ménages belges seraient donatrices.
Grâce à la forte augmentation des montants collectés durant la deuxième année Covid (+33% en 2020), les statistiques du SPF Finances indiquent que la hausse des dons liés aux attestations fiscales s’est avérée supérieure, au cours des cinq dernières années, à celle de l’inflation enregistrée au cours de cette même période.
Apport décisif du mécénat en 2022
La Fondation Donorinfo précise dans un article paru en décembre 2023, sur base des données qui lui ont été transmises par le SPF Finances, qu'en 2022 la diminution de la générosité des particuliers (-6 %) a heureusement été compensée par l’augmentation des dons d’entreprises (+16 %).
Les particuliers ont donné 23 millions d’euros de moins que l'année précédente. A l'inverse les contributions des entreprises ont connu une hausse de 21 millions d’euros.
-> Source: Donorinfo (déc. 2023) - Petit retour sur la générosité en 2022
2 – Comparatif 2019-2022 sur base des résultats financiers communiqués par les associations
Covid, inflation : comment les associations non-impliquées dans les appels d’urgence (inondations en Wallonie, Ukraine, etc.) ont-elles résisté entre 2019 et 2022 ?
Il est intéressant de comparer les conclusions tirées de statistiques du SPF Finances avec les résultats financiers publiés par les organisations actives en levée de fonds. Le Baromètre de la Générosité du Fundraisers Forum permet précisément d’analyser les comptes de 265 organisations dont les recettes sur la période 2019-2022 sont connues.
Reconnaissons d'emblée que cet échantillon n’est pas représentatif de l’ensemble du secteur de la collecte. D'autant que dans notre comparatif 2019-2022 proposé ci-dessous nous avons choisi de ne pas prendre en compte les résultats de six grandes organisations dont les recettes ont été fortement influencées par d’importantes campagnes en situation d’urgence ou par un autre facteur exceptionnel. Ne figurent donc pas dans cet échantillon la Croix-Rouge de Belgique (appel ‘Inondations 2021’), diverses ONG fortement mobilisées sur les premiers appels Ukraine (2022) ainsi que 'De Warmste Week' dont la collecte de fonds inexistante en 2019 a été vigoureusement réactivée à partir de 2020.
Y a-t-il un lien entre le potentiel de générosité des organisations en 2019 et leur capacité de résistance aux crises des années 2020-2022 ?
Les statistiques du SPF Finances ne permettent pas de différencier l'évolution des dons selon la taille des organisations bénéficiaires. La comptabilité des organisations concernées nous permet au contraire de mesurer cette évolution selon le niveau de performance - le 'potentiel de générosité' - des organisations, ainsi que selon leur domaine d'intervention.
La répartition des dons et legs selon les principaux domaines d'intervention fait l'objet d'un article distinct.
Les résultats comptables des associations que nous avons collectés dans le cadre du dernier Baromètre de la Générosité nous permettent de mesurer ci-dessous l’évolution des dons entre 2019 et 2022 au départ de quatre catégories d’organisations classées selon leur volume de dons durant la dernière année pré-Covid.
On est d'emblée frappé de constater que, dans cet échantillon très particulier de 265 organisations non-concernées par les appels d'urgence, la croissance des dons (+8% selon le tableau B67 ci-dessous) semble avoir été bien plus modeste en comparaison avec les résultats globaux enregistrés par le SPF Finances résumés dans le tableau A1 ci-dessus.
Période 2019-2022 : croissance des dons (+8%) inférieure à celle de l’inflation (+15%)
Nous mesurons ci-dessous le différentiel de croissance des dons entre 2019 et 2022 selon le montant des dons collectés en 2019, dernière année pré-Covid (figure B67 ci-dessous).
Cette segmentation nous révèle que le segment supérieur ‘dons 2019 >1 million €’ - dans lequel ne figurent pas les principales ONG urgentistes - a bénéficié entre 2019 et 2022 d’une modeste croissance des dons à hauteur de 6%, au contraire des plus petites associations (+77%).
La croissance moyenne des dons (+8%) était, dans cet échantillon, largement inférieure à celle de l’inflation cumulée au cours de ces quatre années (+15%).
L'apport exceptionnel des legs a compensé, pour les grandes structures, la stagnation des dons
On remarque par ailleurs (figure B61 ci-dessous) que les legs ont représenté en 2022 une part importante (177 millions €) des recettes globales (dons+legs) issues de la générosité publique.
En 2022 l'apport des legs a fortement profité aux grandes organisations : 139 millions € sur le segment ‘dons 2019 >1 million €’.
Ce constat se trouve confirmé dans le tableau suivant (B64). En comparant le différentiel des dons ainsi que celui des legs entre 2019 et 2022 on constate qu'en 2022 les grandes organisations (segment ‘dons 2019 >1 million €’) ont totalisé une croissance 2019-2022 des dons à hauteur de seulement 6%, soit nettement moins que les 15% d'inflation sur cette période. La hausse exceptionnelle des legs (+44%) a compensé, dans ce segment, la quasi-stagnation des dons.
L’impact des legs collectés respectivement en 2019 et en 2022 se doit cependant d’être interprété avec prudence :
- l’apport en legs est en règle générale souvent irrégulier, surtout dans le segment des petites associations. Mieux vaut comparer l'évolution sur minimum trois années que de comparer isolément les années 2019 et 2022 comme nous le faisons ci-dessus.
- ne perdons pas de vue que si les dons 2022 ont fluctué en fonction de la conjoncture de cette année-là, les legs comptabilisés en 2022 résultent le plus souvent de dispositions prises par ces généreux testateurs quelque sept à huit années plus tôt.
- sur la période 2019-2022 l’effet Covid a influencé l'évolution des legs suite à la hausse de la mortalité et à cause du ralentissement provisoire du traitement administratif de ces dossiers.
Comparatif 2019-2022 des dons: comment expliquer la progression fulgurante des petites associations ?
Le comparatif présenté ci-dessus (figure B64) fait état, concernant le segment des organisations qui collectaient moins de 50.000 € en 2019, d'une progression foudroyante des dons sur la période 2019-2022 : + 77%.
Cette progression concerne un nombre significatif de petites organisations (78) dont le total des dons collectés (3.2 millions €) qui ne représente en réalité qu'une part très modeste (7%) du volume global (290 millions €) des dons recueillis par les 265 organisations de notre échantillon.
Un examen plus précis de l'origine de cette croissance spectaculaire nous a amené à vérifier, pour chacun des quatre segments de notre échantillon, le nombre et le pourcentage d'organisations dont l'évolution 2019-2022 des dons a
- soit clairement sur-performé : davantage que + 15% entre 2019 et 2022, donc davantage que l'inflation sur cette période,
- soit clairement sous-performé : moins qu'une diminution de -15%.
Cette analyse nous indique que 44% des petites structures ont sur-performé au niveau des dons, alors que ce pourcentage est nettement moins moindre au niveau des autres segments (figure B69) :
Comment expliquer ce différentiel ? Peut-être pour partie du fait que les grands acteurs de la collecte disposent davantage que les petites structures d'atouts solides - tel notamment l'apport régulier de nombreuses contributions mensuelles collectées au travers de domiciliations - qui leur permettent de stabiliser plus facilement la collecte de dons en période de crise.
Reste à comprendre le pourquoi des performances dont beaucoup de petites structures ont bénéficié en 2022. Nous en interrogerons sous-peu quelques-unes, et publierons leur témoignage dans un prochain article.
-> Autres articles dédiés aux chiffres-clés de la générosité publique : lien
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